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nard de Vinci ; mais Bacon ne l’a pas lu davantage, et pour les mêmes raisons. Si donc, dans une histoire générale, on a le devoir de citer, chacun à sa place et à son heure, tous ceux qui ont travaillé au progrès de la science, dans une monographie de Bacon, ceux-là, semble-t-il, ont seuls le droit de paraître, qui ont exercé sur lui quelque influence. En outre, parmi les auteurs qu’il a réellement connus, il fait lui-même de grandes différences : c’est ainsi qu’entre tous les anciens il loue uniquement Démocrite, et, entre les modernes, Telesio. D’autres, comme Paracelse, semblent personnifier pour lui toute une classe d’esprits, dont il réprouve les tendances. Donc, au lieu de nous présenter tant de philosophes et de savants à peu près tous sur le même rang, n’eût-il pas mieux valu les considérer avec les yeux de Bacon qui mettait entre eux des distances, qui les groupait à sa manière, et en choisissait quelques-uns pour les placer en avant de tous, et leur décerner l’éloge ou le blâme ? Une histoire du passé, sans doute, était nécessaire, comme introduction à l’œuvre de Bacon, mais une histoire telle qu’il l’entendait lui-même, avec ses préférences et ses antipathies personnelles, plus ou moins justifiées, si l’on veut, quant à la valeur réelle des doctrines (et encore ne s’est-il point tant trompé, au point de vue où il était), curieuses à noter cependant pour leur conformité avec sa tournure d’esprit et la direction que devaient prendre ses propres recherches.

Le deuxième volume étudie successivement : — les ouvrages de Bacon ; — sa division des sciences ou son encyclopédie ; — sa méthode ; — son œuvre comme savant ou philosophe proprement dit ; — enfin son esprit avec ses défauts et ses qualités. Tel est l’objet des cinq chapitres qui suivent.

Dans le premier, l’ordre chronologique des ouvrages de Bacon est bien indiqué. M. N. intercale les écrits publiés seulement après la mort de l’auteur, à leur date précise ou approximative, entre ceux qui parurent de son vivant, mais sans essayer de tirer de là une histoire du développement des idées du philosophe. A-t-il raison, en particulier, de placer le de Principiis atque Originibus après 1620, parce qu’on y trouve des allusions au Novum Organum ? Mais la première rédaction du Novum Organum est de 1608 environ, et, en 1609, Bacon publiait le de Sapientia Veterum, avec lequel ce de Principiis a beaucoup plus de rapports. Après 1620, les nouveaux ouvrages de Bacon ont plutôt un caractère historique (c’est l’observation et le récit des phénomènes), ou si parfois il se prend à rêver, c’est, comme dans la Nouvelle Atlantide, à l’avenir de la science, beaucoup plus qu’au passé, et qu’à cette interprétation des vieux mythes, où son imagination s’était exercée jadis avec un peu trop de complaisance.

Le second chapitre n’est qu’un abrégé des neuf livres du de Dignitate et Augmentis scientiarum. M. N. défend d’abord Bacon contre certaines accusations de Macaulay et de Hegel, en montrant, à l’aide de textes bien choisis, un côté religieux et charitable tout ensemble dans