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A. FOUILLÉE.le sentiment de l’effort

qu’avec une même décharge centrale vous leviez tantôt le bras droit, tantôt le bras gauche ? « Personne, dit W. James, ne prétendra que la qualité du fiat puisse varier selon qu’on se sert, par exemple, du bras droit ou du bras gauche. » — Non, mais c’est ici précisément que sert l’idée, qui est la représentation d’un résultat particulier à atteindre et qui, par cela même, particularise le mouvement cérébral pour le diriger. Je veux faire un mouvement (décharge) du bras gauche (idée) ; la représentation du bras gauche étant une reproduction de mouvements faibles vers le bras gauche à leur début, et ces mouvements étant en corrélation avec le bras gauche, non avec le droit, il en résulte que la décharge cérébrale accompagnée de l’idée de tel bras dirige le courant de ce côté et non de l’autre. Dans la plupart des cas, ce qui importe c’est : 1o d’avoir en idée les sensations cutanées et périphériques corrélatives de telle action, par conséquent l’idée de son dernier terme ; 2o d’opérer la décharge nerveuse. Les deux points extrêmes étant ainsi donnés, la ligne de direction se trouve elle-même déterminée, et les sensations musculaires ne servent plus guère que d’avertissements le long du chemin, souvent peu utiles. Le fiat moteur, puisqu’on veut lui donner ce nom, plus l’idée du bras gauche, fait donc nécessairement lever ce bras et non le droit. Notre organisme est comme un jeu d’orgue : l’idée ouvre tel tuyau particulier, parce que l’idée est déjà un mouvement commencé dans cette direction. Penser à abaisser telle touche, c’est déjà l’effleurer et l’abaisser un peu ; encore un petit effort, la touche s’abaisse assez pour que le son se produise.

W. James insiste : « La conscience de l’exertion musculaire, dit-il, étant impossible sans un mouvement effectué quelque part, est nécessairement une sensation afférente et non efférente, une conséquence et non un antécédent du mouvement lui-même. » — Oui, pour l’exertion musculaire, puisque cette exertion n’est qu’une conséquence de l’impulsion cérébrale ; mais il reste toujours à savoir si l’impulsion cérébrale elle-même ne se connaît que quand elle est effectuée, si elle ne se sent pas en s’effectuant, s’il est nécessaire d’avoir effectué un mouvement, pour se dire avec surprise : j’ai voulu faire effort ! si, enfin, parce qu’un fait n’est pas purement moral, il est pour cela purement musculaire.

Une conséquence importante de la théorie des sensations afférentes, c’est que nous ne sentirions pas l’intensité de notre réaction motrice, mais seulement l’intensité des contractions musculaires, qui seules en effet peuvent nous envoyer des sensations afférentes. — Mais, demanderons-nous, comment peut-on sentir l’intensité d’une résistance, si on n’a pas le sentiment de l’intensité de sa propre