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A. FOUILLÉE.le sentiment de l’effort

distinctions tranchées de direction dans l’espace ne sont-elles pas ici quelque peu artificielles ? Toute vibration, toute ondulation, tout mouvement est-il à la fois afférent et efférent, puisqu’il rencontre toujours des résistances et qu’il n’est jamais absolument exempt de rythme ondulatoire ?

Si, au lieu de considérer la simple idéation et les phénomènes purement intellectuels, nous considérions l’émotion, nous verrions encore bien mieux se mêler, d’une manière inextricable, les actions et réactions nerveuses, conséquemment le sentiment de passivité et le sentiment de réaction. Ce n’est pas ici le lieu d’insister. De même, après l’idéation et l’émotion, considérons ce qu’on nomme au sens étroit l’action, quoique tout le reste soit aussi un mélange de passion et d’action. Au point de vue physiologique, tout acte commence nécessairement par un processus nerveux : il est d’abord une mise en activité des plus hauts centres nerveux ou de quelques-uns de ces centres. Je ne puis pas concevoir ou me représenter un acte sans une innervation des parties mêmes du cerveau où cet acte prend naissance. « Ce processus nerveux, dira-t-on, n’est pas encore l’action même » ; soit ; mais il en est le premier stade ; à vrai dire il est l’action commençante ; on ne saurait trop le répéter, l’idée d’un mouvement est la conscience de ce mouvement à son début et sous une forme faible, c’est un premier tressaillement dans la masse nerveuse, qui annonce et prépare ce qui va venir. À ce moment, il peut sembler que ce soit de l’exertion purement intellectuelle ; il n’en est rien, puisque tout mouvement pensé et surtout désiré suppose une ébauche cérébrale de ce mouvement. Dès le premier stade de l’activité en apparence tout intellectuelle, un examen approfondi de notre conscience même nous y fait remarquer un sentiment de tension plus ou moins forte, tension qui, si elle n’était contre-balancée par d’autres idées, par d’autres tensions, par les centres d’arrêt ou leurs équivalents et par des mouvements antagonistes, se propagerait aux muscles. Ce sentiment de tension, forte ou faible, inhérent à toute idée, quand il n’aboutit pas à un mouvement musculaire, aboutit au mouvement moléculaire de la chaleur. On peut donner à ce sentiment de motion cérébrale le nom de sentiment d’innervation cérébrale ; nous sentons, en d’autres termes, que notre cerveau produit du mouvement ou de la chaleur, ou tout autre mode d’énergie.

Maintenant, que faut-il pour que la motion proprement dite se manifeste dans les muscles locomoteurs ? — Simplement un degré plus grand d’intensité dans l’idée ou dans l’émotion, avec suppression des obstacles ou supériorité de la puissance sur la résistance