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des obstacles. Alors a lieu la décharge nerveuse dans la direction des muscles. Nous distinguons très bien ce passage d’une action simplement esquissée par l’idée dans le cerveau à une action qui se réalise dans les membres ; c’est, en somme, le passage du mouvement de tension au mouvement de translation. Tout à l’heure, le bateau à vapeur ne faisait encore que se balancer sur l’eau, avec sa chaudière frémissante, tout prêt à partir ; maintenant, la détente de la vapeur a lieu dans le piston et nous sentons le bateau qui file. C’est le moment de l’innervation. À ce moment-là il y a conscience ; à partir de là, l’impulsion motrice s’éloigne des centres supérieurs et, changeant de point d’application, passe aux centres inférieurs ; donc nous ne sentons rien du courant efférent en tant que courant ; nous avons seulement des sensations afférentes, comme si toutes les parties du bateau à vapeur et surtout l’hélice renvoyaient des contre-coups sensibles au mécanicien qui a la main sur le levier. Comme Sachs l’a montré, des muscles mêmes partent des filets nerveux, et ces muscles renvoient au cerveau, le long du chemin, des nouvelles de l’acte en train de s’effectuer. Toutes ces dépêches qui annoncent le passage de l’onde centrifuge sont des sensations musculaires, et évidemment ces sensations sont centripètes. Ce sont ces sensations qu’on a voulu opposer victorieusement à ceux qui admettent un sentiment d’innervation et de réaction cérébrale ; mais, encore une fois, les sensations venues des muscles ne peuvent rien contre la conscience de l’action qui s’accomplit dans le cerveau.

M. Ribot nous dira que l’effort de volonté ou d’action volontaire doit être lui-même nécessairement et immédiatement un sentiment musculaire, parce que « nous n’avons d’action (impulsive ou inhibitoire) que sur les muscles volontaires : c’est là notre seule conception positive de la volonté ». — « Tout acte de volition, impulsif et inhibitoire, n’agit que sur des muscles et par des muscles[1]. » — Si M. Ribot veut dire que toute action de la volonté aboutit à mouvoir des muscles et, par cela même, finit par provoquer des sensations musculaires afférentes, cela est incontestable ; mais, si M. Ribot en conclut que l’effort de la volition est immédiatement et exclusivement musculaire, c’est une conclusion non contenue dans les faits et, de plus, en contradiction avec ce que M. Ribot reconnaît lui-même à la page suivante. Quand nous disons je veux, il y a d’abord, a-t-il dit, « mise en activité dans le cerveau des images motrices ou résidus moteurs appropriés » ; donc, ajouterons-nous, nous ne

  1. L’Attention, p. 105.