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GUARDIA.philosophes espagnols

accepter pour vrai ce qui ne l’est point d’après sa propre expérience. C’est par la force de la raison raisonnante que l’esprit acquiert la connaissance. La réalité d’une nature commune à tous les objets particuliers est une chimère de Platon, l’hérésiarque de la secte des réaux, qui rejettent la réalité vraie pour la chercher dans la fiction. Le rapprochement est très ingénieux. Notre auteur s’amuse des rêveries des réaux et de ce galimatias romanesque dont ils eurent le secret. Il lui semble qu’il faudrait en rappeler quelques-uns à la vie, pour savoir d’eux ce qu’ils pensaient au juste. C’est sur ce ton de plaisanterie qu’il achève la démolition de ces espèces intelligibles qui sont inintelligibles et inutiles.

L’âme connaît la substance par la notion des accidents ; c’est elle qui est l’entendement et qui connaît par elle-même et découvre la substance dans les accidents. À la question, si l’intellect et l’intelligence sont la même chose, il a déjà répondu en partie par la déclaration expresse de l’inséparabilité de la fonction et de l’acte ; mais il ajoute que l’entendement n’est point la chose entendue, puisque l’intelligence comprend une chose différente d’elle-même. La faculté de connaître ce qui est réellement, voilà l’intelligence. Elle est en nous, mais s’alimente de l’extérieur, comme le corps. Pour déterminer mieux la nature et la provenance de la vérité, il aurait fallu développer cette proposition obscure : La vérité connue n’est qu’une notion qui ne suppose rien, si ce n’est sous condition. L’intelligence active (intellectio) n’est qu’un mode de l’entendement, comme s’asseoir, se coucher, se tenir debout sont des manières d’être. Les modes de l’intellect ne sont pas plus distincts de lui que la figure n’est distincte de la chose figurée. En effet, l’acte n’est que la manifestation de la puissance. Les manières d’être des choses intelligibles ne nous sont connues que par la comparaison des choses sensibles. La notion de substance ne s’acquiert point sans des connaissances antérieures, et l’intelligence est libre d’agir ou de se reposer. Reste à savoir si la relâche de l’activité mentale est l’effet de la liberté ou une loi naturelle. Sa volonté ne peut rien contre la fatigue cérébrale, à défaut de sommeil. La fonction ne saurait prévaloir contre l’appareil, à moins d’abus destructif des deux. Quand l’instrument est las, la fonction cesse ou languit. Si l’âme abuse de l’appareil cérébral, il se détraque apoplexie, paralysie, hallucinations, folie, démence. La pauvre âme subit passivement les conséquences du désordre organique. L’étude de la folie prédispose médiocrement à l’animisme. Sans la pathologie cérébrale, la psychologie est boiteuse.

La substance est diversement considérée, suivant qu’elle est