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faculté de l’âme par laquelle s’exercent l’entendement et la raison, comme étant distincte de la faculté de sentir. N’y a-t-il pas dans cette censure ironique l’aveu d’un amer scepticisme ?

Sont senties toutes les choses qui apportent notions d’elles-mêmes à quelqu’un des cinq sens externes, au su de l’âme. Cette opération comprend l’impression, la sensation et la perception des objets sentis. La faculté intérieure qui connaît par abstraction paraît avoir la force des sens externes, puisqu’elle peut, en l’absence des objets, les connaître au moyen d’images, comme la présence des objets les fait connaître par intuition. Entendre, c’est connaître les choses telles qu’elles sont, non par un changement formel amené par les choses entendues, en tant qu’elles sont entendues, mais par la connaissance d’autres choses, qui amène la conception de la chose entendue. Suit l’analyse du procédé de démonstration de l’équivalence des trois angles d’un triangle à deux droits. Une autre comparaison est empruntée aux sons de la voix humaine qui donnent la connaissance de la chose désignée. Dans ce dernier cas, la connaissance ne vient pas d’une sensation externe ou interne, mais de la signification de la parole entendue ; et ce qui est entendu est distinct de la parole. D’où il résulte que les bêtes ne sauraient percevoir la signification des mots ; car, dans ce cas, elles entendraient nécessairement, puisque comprendre consiste à connaître autre chose que ce qui est perçu, id enim, ut retuli, intelligere est, cum ex cognitione unius rei aliud ab ea re nota cognoscitur. Les bêtes ne sauraient, non plus, comprendre par signes, comme le croit le vulgaire ; car c’est là aussi le propre de l’âme intellective. Il y faudrait, en effet, l’usage de la raison. Les choses indivisibles, que connaît l’intelligence, ne sont pas connues par elles-mêmes, mais par d’autres choses déjà connues. Le point dans une ligne, la ligne dans une superficie, la superficie dans un corps, la proximité dans le temps, le changement dans le mouvement, ne sont point connus par eux-mêmes, mais par la connaissance du sujet et une division imaginaire, nisi per subjectum eorumdem cognitionem et divisionem fictam. Suit un assez long développement ; d’où l’auteur conclut que l’indivisible n’est connu que par la connaissance d’autres choses, tant pour la quantité que pour la substance : Dieu, les anges, les intelligences et les âmes, par exemple, et il allègue l’autorité de l’apôtre Paul (Rom., I, 20). C’est l’unique fois qu’il cite le Nouveau Testament.

Au milieu de la démonstration, il soulève, selon sa coutume, une question subsidiaire, à savoir, à propos de l’indivisibilité du point,