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jusque-là, la courbe des vitesses diffère peu d’une ligne droite : que deviennent alors les points anguleux vus par M. Henry aux rythmes 48, 51 et 60 ?

Si maintenant nous considérons les angles des tangentes, nous ne saurions nous étonner de ce que les angles 40, 48 et 51, 60 soient plus grands que les angles 48, 51 et 64, 68, puisqu’ils répondent à des points plus éloignés sur la courbe ; quant à l’angle 60, 64, s’il est plus grand que l’angle 64, 68, cela tient naturellement à la présence de l’inflexion au delà du point 68[1].

Après ces réflexions sur la base même des divisions rythmiques, nous allons examiner quelques points relatifs aux applications faites aux divers arts. En ce qui concerne l’appréciation des formes, il nous semble que tous les systèmes d’esthétique nombrée se heurtent à cette difficulté qu’ils ne paraissent guère applicables qu’aux figures planes de petites dimensions, la perspective empêchant absolument d’apprécier les rapports exacts des dimensions et des angles ; entre toutes, la théorie que nous étudions paraît tomber sous cet inconvénient, à raison même de la rigueur de ses déterminations rythmiques, et nous ne voyons guère comment une œuvre d’architecture pourrait être belle, fût-ce d’un seul point de vue, tous ses éléments subissant des déformations différentes[2].

Nous n’insisterons pas ici sur le détail de l’analyse rythmique des formes, qui se fait d’une manière analogue à celle des sons, que nous étudierons plus loin, mais avec des différences qu’il conviendra de signaler.

L’application de la théorie aux sensations lumineuses est loin de soulever les mêmes objections que son application à la perception des formes ; mais elle va nous fournir l’occasion de signaler la tendance essentiellement subjectiviste de M. Ch. Henry. Les pigments colorés impressionnent nos yeux par la réflexion de certaines vibrations, les autres étant éteintes, en sorte que, finalement, notre organe visuel n’est impressionné que par des vibrations ; il ne reçoit l’action que de couleurs lumières. Il résulte de là que, si une radiation lumineuse est modifiée par son passage sur des pigments, elle n’en reste pas moins

  1. On aura sans doute remarqué avec surprise cette prétendue coïncidence des augmentations d’accélération avec des nombres de pas rythmiques pendant une seconde, unité, semble-t-il, indépendante de notre organisme. Cela tient à ce que, pour M. Henry, la seconde est une unité naturelle ; on en trouvera la démonstration à la page il du Cercle chromatique, démonstration reposant sur ce que la théorie donne 132 divisions pour maximum réalisable de l’unité du temps et sur ce que Helmholtz a précisément pu percevoir 132 battements par seconde. C’est là, semble-t-il, une base bien fragile, et nous croirions plus volontiers que chacun a une unité physiologique du temps, cette unité pouvant d’ailleurs différer assez peu de la seconde, à en juger par les pulsations du cœur
  2. On pourrait évidemment établir une perspective rythmique pour un point de vue déterminé et en déduire une construction correspondante ; mais, outre qu’on arriverait sans doute à des impossibilités pratiques, le monument vu d’un point différent présenterait fatalement des particularités absolument choquantes.