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Il lui faut obéir docilement au chef, à l’administrateur, quel qu’il soit. Quiconque sort de la famille ou est banni par elle se trouve déclassé et absolument dénué de ressources… Avec quelques atténuations de détail ce tableau convient à la Chine… Toutes les forêts en ont été défrichées ; on n’y voit plus de terres incultes… Le régime de la propriété familiale a enfanté en Chine une énorme masse d’hommes, le tiers ou le quart du genre humain. Mais depuis des milliers d’années, cette fourmilière humaine n’a su accomplir aucun grand progrès. Elle vivote plutôt qu’elle ne vit… Pendant un siècle de sa glorieuse existence, la petite capitale de l’Attique, Athènes, a conçu et remué plus d’idées que le populeux empire chinois durant des cycles chronologiques. Enfin d’autre part, et cette conclusion est à retenir, « tous les peuples qui se sont formés et créés à l’abri de la propriété familiale l’ont abandonnée en abordant les phases supérieures de leur évolution. On s’égarerait donc en considérant ce mode d’appropriation comme un idéal, et c’est bien vainement que quelques admirateurs exaltés de la Chine prétendent nous y ramener par la simple persuasion. » (Pages 231-233.)

Chez les Sémites, en dépit de la vivacité qu’a chez eux le sentiment de la propriété, nous trouvons encore des traces du régime communautaire primitif. Telle chez les peuples d’origine arabe l’organisation de la propriété foncière (biens Waqf ou communs, dime) ; tel, chez les Hébreux, le jubilé cinquantenaire, accompagné d’une redistribution des terres. La propriété aurait donc passé chez les Sémites « par les phases ordinaires, allant du régime communautaire au régime individualiste. »

Les populations aryennes de l’Asie en sont restées généralement à la communauté de village que l’auteur juge ainsi : « Ces petites républiques villageoises persistèrent sous tous les régimes, bien après que la tribu politique indépendante eut entièrement disparu. Les despotes se contentaient d’imposer à ces communautés des tributs et des corvées, mais ils n’avaient aucun intérêt à les détruire… L’individu n’apprit point à se désintéresser du sort de la communauté ; au contraire, des sentiments de sympathie, d’humanité, de solidarité germèrent et s’implantèrent dans sa mentalité. Enfin la grande plaie des sociétés barbares, l’esclavage, cessa d’être nécessaire… Il est toujours très restreint en Chine, plus encore dans l’Inde, où il y avait bien une caste servile, mais peu d’esclaves personnels. En résumé, le régime de la communauté de village a été, pour une grande portion de l’humanité, à la fois tutélaire et moral. » (P. 310 sq.)

Quatre longs chapitres sont consacrés enfin à l’histoire de la propriété en Grèce, à Rome, dans l’Europe barbare et dans l’Europe féodale. Leur importance même nous interdit de tenter un résumé de ces questions d’ailleurs souvent étudiées. Disons seulement que M. L. s’efforce de retrouver partout les traces de la communauté primitive ;

    On sait qu’en ce qui concerne les Grecs et les Romains l’opinion diamėtra-