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analyses.Le degenerazioni umane.

tout ce qui a été fait depuis et il me paraît qu’on y a peu ajouté.

Les théories de Darwin dont s’inspirent surtout les Italiens et l’auteur du présent livre en particulier ont permis pour le sujet qui nous occupe de caractériser d’un mot, la lutte pour l’existence, la cause générale de la dégénérescence, et d’en agrandir la conception ; mais Morel avait le premier trouvé la chose et sa conception plus étroite est peut-être aussi plus solide. Tout ceci n’est pas pour rabaisser le mérite du travail de M. Sergi, qui embrasse d’un coup d’œil les variétés de la dégénérescence dont plusieurs n’avaient pas été étudiées par l’aliéniste français, qui avait eu plutôt en vue les sujets habituels de ses études ; mais nous ne pouvons nous empêcher de trouver que le nom de Morel n’est cité qu’un peu trop en passant, comme d’ailleurs les noms de tous ceux (et ils sont nombreux) qui se sont occupés de la question, surtout au point de vue social.

Quoi qu’il en soit, voici les définitions très claires de notre auteur : les dégénérés sont tous les êtres humains qui, quoique survivants dans la lutte pour l’existence, sont faibles et portent des signes plus ou moins manifestes de cette faiblesse dans leur constitution ou leurs actes, et la dégénérescence est l’état des individus et de leur descendance qui, dans la lutte pour l’existence, n’ont point péri, survivent dans une condition inférieure et sont peu aptes à soutenir la continuation de la lutte. D’où il résulte que, dans toute société humaine, on peut distinguer deux catégories d’individus : les normaux, ceux qui ont vaincu sans difficulté et sans blessures, et qui sont dans la condition la meilleure pour vivre et avoir des enfants ; les dégénérés, ceux qui portent les signes de leur infériorité et de leur défaite. M. Sergi consacre une série de chapitres à l’étude des fous, des suicidés, des criminels, des prostituées, des vagabonds et des mendiants. Il n’était pas mauvais non plus d’insister comme il l’a fait sur l’inégalité naturelle des hommes. La partie la plus intéressante de son livre et la plus originale est celle où il traite de la dégénérescence du caractère en général, des esclaves et des « serviles » de la société moderne, esclaves volontaires, parasites de toute espèce. Parmi ces derniers il range les moines qui pullulent en Italie et, à ce propos, il fait une violente attaque contre la religion qu’il compare à une maladie. Pour lui, l’utilité de la religion est égale à celle de la peste ou du choléra, fléaux dont se servent les prêtres pour épouvanter les populations ignorantes. Il me semble que cette exécution de la religion est un peu sommaire et révèle une haine spéciale qui n’a rien de bien scientifique, mais qui peut s’expliquer par la situation où se trouve actuellement l’Italie.

Nous ferons remarquer que l’auteur n’a pas suffisamment insisté sur une cause de dégénérescence qui joue actuellement un grand rôle même dans son pays, je veux dire l’abus de l’instruction et l’amour effréné du fonctionnarisme et de la politique qui est en quelque sorte le contre-pied du parasitisme religieux. À force de pousser les enfants