Page:Revue scientifique (Revue rose), série 3, année 26, tome 17, 1889.djvu/498

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avec ce monstre, conquérant du ciel. Et quand même, en face de sa grandeur impérieuse, je ne me sentirais pas converti, assurément je me sentirais consolé par la joie fière, qui nous est commune à tous, d’y voir le drapeau français flotter plus haut que tous les autres drapeaux du monde, sinon comme un insigne belliqueux, du moins comme un emblème des aspirations invincibles de la patrie.




DISCOURS DE M. NOBLOT

Messieurs,

Je ne comptais pas prendre la parole devant cette belle assemblée, surtout après les remarquables discours qui viennent d’être prononcés.

Je croirais cependant manquer à mon devoir de vétéran de l’École centrale, si je ne venais joindre mon faible tribut aux éloges bien mérités qui ont été décernés à l’instant même au lutteur intrépide que nous fêtons aujourd’hui.

Je ne serai démenti par aucun de nos camarades, en affirmant que nous sommes tous heureux et fiers du succès éclatant que vient de remporter notre camarade Eiffel.

L’honneur est grand ; il rejaillit sur notre chère École, sur le corps des ingénieurs civils tout entier. L’honorable M. Janssen, dans son discours si bien senti, a signalé un fait qui m’a profondément touché : il vous a entretenu du projet arrêté par M. Eiffel de faire sceller au pied de la tour une plaque sur laquelle seront gravés les noms des ingénieurs, des contremaîtres et des ouvriers qui ont collaboré à l’œuvre gigantesque dont la hardiesse fera l’admiration de tous les visiteurs de l’Exposition.

L’idée de M. Eiflel d’associer à l’honneur qui lui revient tous ceux qui ont contribué par leur courage, leur persévérance et leur discipline à l’accomplissement de l’œuvre, est digne des plus grands éloges.

Nous tous, ingénieurs, industriels, inspirons-nous de ce noble exemple ; prouvons à tous ceux au milieu desquels nous sommes appelés à travailler qu’il existe entre eux et nous une solidarité absolue, que nous sommes en toute circonstance soucieux de leur sort, de leurs besoins matériels, intellectuels et moraux : que nous savons reconnaître la part d’efforts qu’ils apportent dans le travail que nous pouvons avoir à exécuter en commun.




PSYCHOLOGIE

Les criminels, d’après les travaux récents.

Les criminalistes italiens ont cru devoir admettre l’existence d’un type criminel ; leur opinion est partagée par bon nombre de criminalistes français. D’après cette école, les criminels se distinguent nettement, par leurs caractères physiques et psychiques, des hommes qui appartiennent au même milieu et qui vivent dans le même temps. La plupart des criminels seraient des criminels-nés, condamnés fatalement, par leur organisation physique et mentale, au vol et au meurtre, au viol ou à l’incendie. Que sont ces criminels-nés ? Sont-ce des fous ? Sont-ils les représentants, au milieu de la civilisation actuelle, d’un état social plus ancien, de mœurs plus grossières et plus cruelles ? Les deux thèses ont été soutenues ; elles ont même été soutenues toutes deux par Lombroso, le chef de l’école ; après avoir fait du criminel un sauvage, il a été amené à le considérer comme un aliéné, comme un fou moral, sans renoncer entièrement, toutefois, à l’opinion à laquelle il s’était d’abord attaché. C’est en réaction contre ces théories qu’ont été écrites les brillantes et profondes études que M. Tarde a réunies en volume il y a trois ans[1]. Sans rejeter absolument l’existence d’un type criminel, il cherchait à démontrer que ce type était un type professionnel et que les traits communs aux malfaiteurs s’expliquaient, en grande partie, par la communauté de leurs habitudes. M. Joly a repris cette thèse à son compte ; il a dépouillé avec soin les statistiques et les enquêtes officielles, il a questionné médecins, administrateurs et magistrats ; il a causé avec les inspecteurs de police et les directeurs de prison ; il a consulté les meilleurs travaux d’anthropologie criminelle, et, à l’aide de tous les faits qu’il a recueillis, analysés et classés, il a fait des criminels un portrait qui ne ressemble que fort peu à celui qu’en à tracé Lombroso[2]. Ce sont pourtant les mêmes faits, mais il ont été vus par d’autres yeux.

Avant de chercher quelle interprétation il convient de donner du type criminel, il faut se demander s’il y a bien, en réalité, un type criminel. Or c’est là précisément ce qui paraît contestable. Il semble que l’on ait accordé trop d’importance, dans l’école italienne, aux caractères physiques des criminels ; ils n’ont ni autant de constance, ni autant de valeur que l’on est porté à se l’imaginer. Les anomalies crâniennes et cérébrales que l’on a constatées chez eux sont tout aussi fréquentes chez les honnêtes gens. Les cerveaux des criminels sont fréquemment asymétriques ; la vraie raison, c’est que les cerveaux parfaitement réguliers sont fort rares. Il semble bien, d’après les études de M. Bordier, que, d’ordinaire, la courbe frontale est réduite dans les crânes d’’assassins, tandis que la courbe pariétale an-

  1. G. Tarde, la Criminalité comparée, 1886.
  2. H. Joly, le Crime, étude sociale, x-392 pages in-12 ; L. Cerf, 1888.