Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/108

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sentir, mais chez qui le pouvoir directeur manque, en sorte que le contraste entre la pensée et le vouloir soit complet. Nous en avons un exemple dans Coleridge.

« Aucun homme de son temps ni peut-être d’aucun temps, dit Carpenter[1], n’a réuni plus que Coleridge la puissance de raisonnement du philosophe, l’imagination du poète et l’inspiration du voyant. Personne peut-être dans la génération précédente n’a produit une plus vive impression sur les esprits engagés dans les spéculations les plus hautes. Et pourtant il n’y a probablement personne qui, étant doué d’aussi remarquables talents, en ait tiré si peu, — le grand défaut de son caractère étant le manque de volonté pour mettre ces dons naturels à profit ; si bien que, ayant toujours flottants dans l’esprit de nombreux et gigantesques projets, il n’a jamais essayé sérieusement d’en exécuter un seul. Ainsi, dès le début de sa carrière, il trouva un libraire généreux, qui lui promit trente guinées pour des poèmes qu’il avait récités, le payement intégral devant se faire à la remise du manuscrit. Il préféra venir, toutes les semaines, mendier de la manière la plus humiliante pour ses besoins journaliers la somme promise, sans fournir une seule ligne de

  1. Mental physiology, p. 266 et suiv.