Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/109

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ce poème, qu’il n’aurait eu qu’à écrire pour se libérer. L’habitude qu’il prit de bonne heure et dont il ne se défit jamais de recourir aux stimulants nerveux (alcool, opium) affaiblit encore son pouvoir volontaire, en sorte qu’il devint nécessaire de le gouverner. »

La composition de son fragment poétique Kuhla Khan, qu’il a racontée dans sa Biographie littéraire, est un exemple typique d’action mentale automatique. Il s’endormit en lisant. À son réveil, il sentit qu’il avait composé quelque chose comme deux ou trois cents vers qu’il n’avait qu’à écrire, « les images naissant comme des réalités, avec les expressions correspondantes, sans aucune sensation ou conscience d’effort. » L’ensemble de ce singulier fragment, tel qu’il existe, comprend cinquante-quatre lignes, qui furent écrites aussi vite que la plume pouvait courir ; mais ayant été interrompu pour une affaire, par quelqu’un qui resta environ une heure, Coleridge, à sa grande surprise et mortification, trouva « que, quoiqu’il eût encore un vague et obscur souvenir de l’ensemble général de sa vision, à l’exception de huit ou dix vers épars, tout le reste avait disparu sans retour. »

Les récits de ses contemporains sur son intarissable conversation, son habitude de rêver tout haut, son parfait oubli de ses interlocu-