Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/58

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pourrai : j’essayerai. » Le jour venu, le malade se lève à cinq heures, tire son habit noir, se rase, etc., etc., et me dit : « Vous voyez, je fais beaucoup, je ne sais encore si je pourrai. » Enfin, à l’heure de la cérémonie, il fit un grand effort et parvint à grand’peine à descendre. Mais dix jours après, à la fête de saint Pierre, les mêmes préparatifs, les mêmes efforts n’aboutirent à aucun résultat. « Vous voyez bien, dit le malade, je suis toujours mon prisonnier. Ce n’est pas le désir qui me manque, puisque je me prépare depuis trois heures ; me voici habillé, rasé et ganté, et voilà que je ne peux plus sortir d’ici. » En effet, il lui fut impossible de venir à la cérémonie. J’avais beaucoup insisté, mais je n’ai pas cru devoir le forcer.

« Je terminerai cette observation déjà bien longue par une remarque : c’est que les mouvements instinctifs, de la nature de ceux qui échappent à la volonté proprement dite, n’étaient pas entravés chez notre malade comme ceux qu’on peut appeler ordonnés. C’est ainsi qu’en arrivant à Lyon, au retour, notre malle-poste passa par-dessus une femme que les chevaux avaient renversée. Mon malade recouvra toute son énergie et, sans attendre que la voiture fût arrêtée, rejeta son manteau, ouvrit la portière et se trouva le premier descendu près de cette femme. »