Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/61

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moi et ne peut plus me procurer aucune sensation. » Un psychologue exprimerait-il mieux à quel point la vie affective est atteinte, dans ce qu’elle a de plus général ? — Billod rapporte le cas d’une jeune Italienne « d’une éducation brillante », qui devint folle par chagrin d’amour, guérit, mais pour tomber dans une apathie profonde pour toute chose. « Elle raisonne sainement sur tous les sujets ; mais elle n’a plus de volonté propre, ni de force de vouloir, ni d’amour, ni de conscience de ce qui lui arrive, de ce qu’elle sent ou de ce qu’elle fait… Elle assure qu’elle se trouve dans l’état d’une personne qui n’est ni morte ni vivante, qui vivrait dans un sommeil continuel, à qui les objets apparaissent comme enveloppés d’un nuage, à qui les personnes semblent se mouvoir comme des ombres et les paroles venir d’un monde lointain[1] »

Si, comme nous le verrons longuement plus tard, l’acte volontaire est composé de deux éléments bien distincts : un état de conscience totalement impuissant à faire agir ou à empêcher, et des états organiques qui seuls ont ce pouvoir ; il faut admettre que les deux événements, d’ordinaire simultanés parce qu’ils sont les effets d’une même cause, sont ici dissociés. L’impuissance à agir est un fait. L’in-

  1. Billod, Annales médico-psychologiques, loc. cit., p. 184.