Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/72

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nous n’aurions rien à en dire ; mais cette perplexité morbide de l’intelligence se traduit dans les actes. Le malade n’ose plus rien faire sans des précautions sans fin. S’il écrit une lettre, il la relit plusieurs fois, craignant d’avoir oublié un mot ou d’avoir péché contre l’orthographe. S’il ferme un meuble, il vérifie à plusieurs reprises le succès de son opération. De même pour son appartement : vérification répétée de la fermeture, de la présence de la clef dans sa poche, de l’état de sa poche, etc.

Sous une forme plus grave, le malade, poursuivi d’une crainte puérile de la malpropreté ou d’un contact malsain, n’ose plus toucher les pièces de monnaie, les boutons de porte, etc.[1], l’espagnolette des fenêtres, et vit dans des appréhensions perpétuelles. Tel ce suisse de cathédrale dont parle Morel qui, depuis vingt-cinq ans tourmenté de craintes absurdes, n’ose toucher à sa hallebarde, se raisonne, s’invective et triomphe de lui-même, mais par un sacrifice qu’il appréhende de ne pouvoir faire le lendemain[2].

Cette maladie de la volonté résulte en partie de la faiblesse du caractère, en partie de l’état intellectuel. Il est bien naturel que ce flux

  1. On trouvera sur ce point des faits curieux, et en grand nombre, dans Legrand du Saulle, ouvr. cité, et Baillarger, Annales médico-psychologiques, 1866, p. 93.
  2. Archives générales de médecine, 1866.