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versites en écoles ; il faut se borner à y signaler certaines directions des esprits, quelques courants principaux qui permettent de s’orienter. Mais, avant de nous demander ce qu’est l’enseignement de la Philosophie en Allemagne, disons d’abord un mot de ce qu’il n’est pas.

Nous avons déjà eu occasion de dire que le dogmatisme de Hartmann, et toute cette philosophie que l’opinion est trop portée en France à considérer comme le produit le plus pur du génie allemand, n’ont guère franchi le seuil des universités ; et ce fait est significatif, car, en Allemagne plus encore qu’en France, c’est dans les Universités, au milieu du corps enseignant, que se produit le mouvement philosophique, aussi bien que les mouvements scientifique et national. Les philosophes et les savants, dont l’Allemagne est le plus fière, sont en même temps des professeurs. Or, Schopenhauer lui-même n’est guère enseigné. Le succès que ses idées ont obtenu vers la fin de sa vie n’a pas gagné le monde universitaire, et l’on sait avec quelle amertume le philosophe s’en est plaint. Aujourd’hui Hartmann, Dühring, Bahnsen rencontrent dans les Universités une assez grande indifférence. Les philosophes de profession semblent presque les considérer comme des amateurs ; s’ils prononcent dans leurs cours le nom d’un des pessimistes à la mode, c’est ordinairement pour en faire une critique ironique. L’influence des idées de ces grands constructeurs se fait plutôt sentir dans le monde des lettrés ou des artistes, car il ne faudrait pas croire non plus que le pessimisme ne fût à la mode qu’en France. On sait que la philosophie de Schopenhauer a inspiré des poètes, des romanciers ; un succès du même genre parait réservé à celle des Hartmann et des Bahnsen, et en ce sens on ne peut nier que l’apparition de leurs systèmes ne soit un fait considérable dans l’histoire de l’esprit allemand. Mais le monde savant paraît ne pas vouloir en entendre parler ; malgré l’appareil scientifique dont ils sont entourés,)a critique scientifique et philosophique les repoussera toujours comme entachés du plus pur arbitraire.

Venons maintenant aux philosophes enseignants, les véritables représentants de la philosophie allemande. On peut signaler chez eux quatre tendances principales assez bien déterminées. Les grands idéalistes de la première moitié de ce siècle, malgré la défaveur croissante qui s’attache à la « romantique des concepts[1] » ont encore tous quelques vieux défendeurs. Tous, il est vrai, abandonnent plus ou moins la métaphysique Fichtienne ou Hégélienne ; aucun du moins n’en fait l’objet principal de son enseignement. Les uns, comme Zeller et Kuno Ftscher, se sont consacrés surtout à l’histoire de la

  1. Die Romantik der Begriffe. (Lange.)