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nous n’oserions prononcer un jugement général ni sur sa valeur intrinsèque, ni sur les fruits qu’il est capable de porter. Quelques remarques générales en terminant sont donc ce que nous pouvons nous permettre.

Nous reconnaîtrons d’abord au plus grand nombre des professeurs un mérite qu’on leur conteste quelquefois injustement chez nous, celui d’une très suffisante clarté. Il faut abandonner la légende du professeur lisant péniblement un cahier de notes confus. Presque partout nous avons trouvé un soin de la forme à peu près égal à celui auquel nous sommes accoutumés ; une parole nette d’abord, une exposition parfaitement intelligible, même pour des esprits peu avancés, une composition facile à saisir, souvent des divisions nombreuses, rappelées fréquemment, pour que l’étudiant ne perde pas de vue la marche du cours. Quelquefois un résumé est dicté et ensuite développé, surtout dans les cours destinés aux commençants ; les Herbartiens, grands pédagogues pour la plupart, sont très partisans de cette méthode. La philosophie allemande enseignée n’est nullement obscure ; il ne faut pas en juger par certains ouvrages ; beaucoup de professeurs enseignent mieux et plus clairement qu’ils n’écrivent. En récompense, de la part des étudiants, on trouvera toujours une parfaite attention. La philosophie les intéresse ; beaucoup prennent des notes. Les cours de philosophie sont fréquentés à l’égal des grands cours de philologie ou de droit. Plus de deux cents étudiants s’inscrivent chaque semestre, à Leipzig, aux cours de M. Wundt, et plus de cent cinquante les suivent assidument. Parmi eux, une trentaine s’occupent spécialement de philosophie. Ce sont ceux que le professeur retrouve dans sa conférence, ses véritables élèves ; il les invite chez lui, exerce sur eux une continuelle influence, en fait quelquefois de vrais disciples.

Nous avons déjà eu occasion d’indiquer les principales causes qui malheureusement empêchent quelquefois cet enseignement de porter tous ses fruits ; nous n’y reviendrons pas. Nous avons parlé du peu de place faite à la philosophie dans les examens ; des changements trop fréquents d’Université, qui empêchent les étudiants de subir d’une façon suivie l’action de leurs professeurs. Un des plus graves inconvénients de cet enseignement universitaire est certainement de laisser en général l’étudiant trop passif, de l’encourager trop peu à ce travail personnel que rien ne peut remplacer ; de le laisser négliger la lecture même des principaux auteurs. Il ne faut pas oublier que les conférences et les cercles philosophiques ne sont fréquentés que par une petite minorité d’étudiants, et que d’ailleurs ces conférences n’existent que dans les principales Univer-