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ANALYSEScolsenet. — La vie inconsciente de l’esprit.

avec ses pattes un objet qui la blesse. Et l’on ne peut dire avec Maudsley et Huxley qu’il s’agit seulement ici d’une action réflexe ; il faut qu’il y ait sensation et intention, « car tous les mouvements viennent concourir à un but précis ; les membres, au lieu de s’écarter, s’abattent sur l’objet, le saisissent pour le repousser, et l’abdomen se recourbe pour y enfoncer l’aiguillon. Si l’on retient l’abeille, elle cherche à fuir en agitant ses ailes. »

On voit à chaque instant des faits analogues chez les hommes atteints d’épilepsie et chez les somnambules. « Ma femme et ma sœur, dit un malade, venaient de parler du souper et de certain mets que nous devions manger… Au bout de quelques minutes, sentant venir un accès, je m’assis sur une chaise contre le mur. À partir de ce moment, les souvenirs me manquent. Lorsque je repris connaissance, j’avais auprès de moi ma mère et mon frère. On me raconta qu’on m’avait trouvé debout près de la table, occupé à préparer le mets en question dans une écuelle ; je remuais le mélange avec une cuiller que j’avais dû aller prendre dans une armoire. » On voit bien ici, dit M. Colsenet, qu’il n’est pas question d’actes purement mécaniques des idées ont dû présider à ces opérations assez compliquées et qui toutes concourent à une même fin Mais ces idées n’ont pas paru dans la conscience. Dira-t-on qu’elles ont paru au moment où l’acte s’accomplissait, mais que le souvenir n’en a pas été conservé ? Mais, répond M. Colsenet, la succession des actes prouve que, pendant l’accès, la mémoire n’a pas disparu. Il faut en effet que le malade se rappelle où sont les objets dont il a besoin pour préparer son mets, et ce qu’il en voulait faire. Ce n’est donc pas un cas d’amnésie générale, à la suite de laquelle chaque idée aussitôt produite serait oubliée. C’est au moment où cesse l’accès, au retour de l’état normal, que subitement s’effacent les souvenirs de toute la période morbide.

Mais il y a plus ; le souvenir n’est pas effacé du tout. Dans un très grand nombre de cas, absent pendant la période normale qui suit l’accès, il reparait quand un nouvel accès se produit. Tel est le cas de ce portier irlandais qui étant ivre avait perdu un paquet, et ne put se rappeler où il t’avait laissé que dans un nouvel état d’ivresse. Les divers accès se lient entre eux par-dessus les périodes normales, et l’un est la suite de l’autre. C’est ce qu’on voit dans le cas si connu et si curieux de Félida X… rapporté par le D’Azam. À l’état normal, Félida oublie tout ce qui s’est passé pendant ses accès ; mais, pendant l’état anormal, elle se rappelle tout ce qui lui est survenu, soit pendant la période anormale, soit pendant la période normale. On voit donc que, malgré les apparences, les souvenirs qu’on ne retrouve pas à l’état normal ne sont pas abolis.

La théorie de la tendance présente autant de difficultés, et les mêmes, que celle de la détermination. M. Colsenet commence par distinguer, avec Albert Lemoine, la tendance des divers sentiments ou passions qui peuvent aussi à l’occasion nous provoquer à agir. Cette influence