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ANALYSEScolsenet. — La vie inconsciente de l’esprit.

précisément parce qu’elle porte toujours sur un point partiouner, nous touche peu et nous laisse des doutes sur ce qu’il faut penser des autres cas qu’elle néglige.

Est-ce à cause de cet éparpillement ? Est-ce pour une autre raison ? Nous ne saurions le dire ; mais ces arguments eux-mêmes ne nous ont pas convaincu : il n’est pas démontré à nos yeux que l’explication mécanique, à laquelle s’en tiennent Maudsley et Huxley, soit impuissante. L’un des faits auxquels M. Colsenet semble attacher le plus d’importance pour prouver sa thèse est celui de l’épileptique qui accomplit sans conscience les actes compliqués nécessaires pour préparer un mets. Que cet homme agisse sans conscience, nous le lui accordons ; mais qu’une représentation soit nécessaire pour expliquer la série des actes, c’est ce qui est moins clair. Cette série n’est pas nouvelle. Vraisemblablement, les mêmes actes ont été accomplis plusieurs fois dans le même ordre par le même homme ; dès lors, quelle difficulté y a-t-il à supposer que, le branle une fois donné au mécanisme corporel par l’idée consciente, qui, on l’a vu, précède l’action, les mouvements se succèdent mécaniquement ? Pour nous convaincre, il faudrait nous montrer, dans ces moments où la conscience est évanouie, des séries où il y eût quelque innovation, qui ne fussent pas la reproduction intégrale d’actes antérieurement coordonnés de la même manière. Sans doute il ne faut rien exagérer, et nous aurions mauvaise grâce à demander qu’on nous montre une grande puissance de pensée ou même de la’présence d’esprit quand il s’agit de prouver que l’esprit est absent. Mais enfin, si ce sont des représentations qui président aux actes, on peut attendre d’elles un peu d’invention et d’imprévu ; on peut exiger que les mouvements soient combinés d’après des rapports logiques et non d’une manière toute machinale. Or nous ne trouvons pas cette démonstration, et elle n’apparaît pas plus quand il s’agit des déterminations que quand il est question des instincts ou des habitudes.

Toutefois, s’il y a de ce côté une lacune, il faut convenir que l’hypothèse du mécanisme présente aussi bien des difficultés ; il y a peutêtre des faits qui obligeraient à intercaler un fait psychique dans les actions réflexes. Bossuet admettait déjà la possibilité d’un tel fait, et il n’y a rien là qui répugne. Mais, si ! e fait est psychique n’est-il point par là même conscient à quelque degré ? S’il est inconscient, ne cesse-t-il pas par là même d’être psychique et l’hypothèse de faits psychiques inconscients n’est-elle pas contradictoire dans les termes ? C’est ici le point capital, le nœud vital de la thèse.

Cette fois encore, M. Colsenet ne nous paraît pas suffisamment explicite. Le concept de l’inconscient, dont il fait un si grand usage, méritait l’honneur d’une discussion spéciale et devait être examiné, défini, discuté. Cette partie dialectique et critique fait entièrement défaut. Bien plus, en rapprochant les indications éparses dont M. Colsenet s’est contenté, nous craignons qu’il n’ait attribué au mot inconscient deux sens différents.