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Mais alors que devient l’immortalité ? L’immortalité de l’âme et la résurrection de la chair ont été conçues sous la pression du malheur : ces idées disparaissent avec cette propriété des conditions d’existence que nous devons aux acquisitions individuelles, à l’adaptation successive et à l’hérédité accumulée. L’immortalité est dans l’œuvre qu’on laisse. Tout ceci est bien connu.

Mais quelles sont les conséquences pratiques de ces théories ? Si mourir c’est avoir vécu, plus on aura vécu, moins on regrettera la mort ; et comme la vie ne peut être mesurée par la durée, la mort ne saurait inspirer de craintes ; bien mieux, elle nous pousse à vivre ; elle est antiascétique. Elle est pleine de foi et ceux qui opposent à la théorie positiviste l’argument de la tristesse et du malaise des esprits se trompent, car il y a là de simples résultats de l’état de lutte et de transition.

Le chapitre De l’idée du mal philosophiquement considérée débute par l’analyse de l’idée de bien. Le bien consiste dans un ajustement croissant des moyens avec les fins et le mal résulte au contraire d’une disproportion. M. Pompeyo Gener propose pour les maux la division suivante, tout en remarquant que dans la vie les maux proviennent le plus souvent de différentes causes à la fois : 1o maux provenant de la nature inorgantque 2o maux provenant de l’organique, ceux de ce dernier ordre pouvant résulter d’éléments organiques ou d’êtres organisés, autres que l’homme et dans la société des attaques de l’individu contre l’individu, de l’individu contre la société, de la société contre l’individu, et de la société contre son organisation. M. Pompeyo Gener étudie ces différents maux. Dans la question du crime, il remarque que la peine ne peut être considérée ni comme une vengeance, ni comme un exemple ; on ne peut l’appliquer qu’en vertu du droit de défense qui est dérivé du droit d’évolution. Les coupables ont le droit d’être punis, c’est-à-dire, d’être modifiés ; les êtres arriérés ont droit à ce qu’on les aide dans leur évolution arrêtée telle est l’idée directrice du Kultur-Kampf, et de l’intervention des Européens et des Américains dans les États barbares ou arriérés.

L’auteur aborde ensuite diverses questions parallèles : l’injustice de l’immolation de l’animal à nos intérêts et à nos besoins, l’injustice de la rente, etc. Pour lui, la loi de Malthus n’a rien de désolant : « L’homme, en augmentant les subsistances à volonté et en diminuant, par son développement intellectuel, sa faculté génératrice, arrivera à s’équilibrer un jour avec les moyens de se nourrir et avec l’espace qu’il a sur la terre. Une évolution supérieure, une fécondité plus modérée, et, d’accord avec elles, la satisfaction plus complète de besoins plus multiples, voilà l’avenir de notre espèce. »

Le livre se clôt par une réfutation du pessimisme en général et, en particulier, de la théorie des trois états d’illusion de l’humanité d’après Hartmann. Notons cet argument en faveur de la thèse que le plaisir est le positif, et la douleur le négatif : « Effectivement, le plaisir, aussitôt qu’il nous revient en mémoire, fait souffrir, parce que le souvenir ne