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tions particulières de l’existence ont oblitéré le sens visuel tout entier (taupes, etc.), il faut descendre bien bas pour constater un affaiblissement quelconque de la perception chromatique. À cet égard, des insectes, comme les papillons, ne le cèdent en rien aux oiseaux et aux mammifères.

Bien qu’il résulte pour nous de la critique raisonnée de M. Marty qu’il faut écarter comme une fantasmagorie l’idée de Geiger et de Magnus, il ne s’ensuit nullement que les théories transformistes ne puissent trouver leur application dans le domaine de la physiologie du sens des couleurs, comme dans tous les autres. Il n’y a rien d’absurde à supposer que la perception des couleurs, chez quelque ancêtre commun de l’homme et des diverses espèces qui jouissent actuellement de cette faculté, ait été le résultat d’une variation fortuite, perpétuée par l’hérédité. Cette variation aurait dû sa persistance et ses progrès aux avantages incontestables qu’elle conférait dans la lutte pour la vie, au double point de vue de la sélection naturelle et de la sélection sexuelle. Déterminer le moment où est apparu le sens des couleurs dans les divers embranchements animaux, étudier les conditions qui en ont favorisé ou entravé le développement, c’est une tâche qui appartient aux naturalistes, et l’école de Darwin a déjà fourni sur ce sujet plusieurs travaux remarquables. Quant aux archéologues et aux esthéticiens, s’ils veulent apporter leur pierre à l’édifice commun, ils doivent préalablement se convaincre que toute recherche tendant à prouver une évolution du sens chromatique chez l’homme est vouée d’avance à l’insuccès ; il ne peut être question que d’une évolution du goût pour les couleurs, et cette évolution reste encore presque tout entière à étudier. Si les paradoxes de Gladstone, de Geiger et de Magnus éveillent chez quelques-uns la curiosité de cette recherche intéressante, on pourra dire que leur erreur n’aura pas été inféconde[1].

R. C. H.

G. Sergi. Sulla natura dei fenomeni psichici : studio di psicologia generale. — Estrato dall’Archivio per l’Antropologia e la Etnologia. Volume X, fascicolo 1o. Firenze. In-8o, 35 p.

« J’essaye, dit M. Sergi, de résoudre un problème qui pour les uns est un des plus difficiles, qui pour les autres est impossible à résoudre : Les phénomènes psychiques peuvent-ils se ramener à un mode de

  1. M. Marty n’a pas connu le grand ouvrage de M. Grant Allen (The colour sense, its origin and developement), dont une grande partie est consacrée à l’examen de la théorie de Geiger et de Magnus et qui aboutit à des conclusions identiques aux siennes. Comme les lecteurs de la Revue ont été parfaitement renseignés sur cet ouvrage, par les articles de M. Espinas (janvier et février 1880), je me suis abstenu à dessein, dans mon compte rendu, d’insister sur les arguments communs aux deux écrivains.