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de la sensibilité ou du mouvement qui suit une lésion des centres nerveux ne peut être invoqué comme une preuve que la sensibilité ou le principe dit excitateur des mouvements résident dans le point lésé. » Pour que la preuve fût faite, il faudrait qu’aucun autre point ne pût, en étant atteint, donner naissance aux mêmes effets, et que les mêmes effets suivissent toujours avec une constance absolue la lésion d’un même point. Mais une telle uniformité est universellement contredite par les faits. Non seulement l’irritation d’un point quelconque du système nerveux peut donner lieu aux mêmes phénomènes, mais les phénomènes les plus variés peuvent s’obtenir par l’irritation du même point.

Les physiologistes ne peuvent donc s’appuyer sur les faits pour localiser dans les centres cérébraux la sensibilité et la volonté. Nais ils se sont efforcés de trouver des hypothèses pour concilier avec leur théorie les faits nombreux qui doivent le renverser, par exemple les phénomènes de paralysie causés dans des organes lointains par une irritation de points périphériques, et surtout les faits qui montrent que les lésions étendues des hémiphères cérébraux n’abolissent ni la sensation ni le mouvement. Flourens, Vulpian, Goltz, Ferrier se sont trompés dans leurs interprétations. Une expérience de Goltz sur une grenouille décapitée, expérience tendant à prouver que la grenouille décapitée ne sent plus augmenter la chaleur et ne réagit pas, est vivement contestée par M. Panizza, que ses expériences ont conduit à un résultat entièrement opposé. La théorie des localisations de Ferrier se heurte aussi à d’infranchissables difficultés.

On ne peut pas expliquer en réalité, une fois la théorie acceptée, pourquoi les actes exécutés par des êtres privés des hémisphères cérébraux et en particulier de la substance grise corticale seraient inconscients ; aucun de leurs caractères ne permet de les supposer tels, mais une théorie préconçue fait croire qu’ils sel produisent mécaniquement.

M. Panizza attaque ensuite une autre opinion, qu’il regarde comme un préjugé très nuisible. « On croit universellement, dit-il, et la physiologie du système nerveux admet comme un axiome que toute connaissance des objets extérieurs commence par les impressions que les objets eux-mêmes font sur les organes des sens. Toutefois c’est là un point sur lequel, d’après nous, la critique n’a pas suffisamment fixé son attention. »

M. Panizza examine la question, en s’attachant surtout aux perceptions visuelles ; ses critiques sont intéressantes et originales ; mais sont-elles aussi concluantes que le croit l’auteur ? D’après lui, la théorie courante est obligée de recourir à des hypothèses non démenties par l’expérience ; encore n’arrive-t-elle pas même avec ces hypothèses à expliquer ce qui est en question.

« Après cela, ajoute M. Panizza, il ne reste qu’une dernière, mais importante considération. On pourrait croire que le postulat des impres-