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vation, de nutrition, de reproduction. Eh bien, on peut les familiariser, en d’autres termes leur faire oublier l’instinct de conservation, et leur éducation demande peu de temps, une demi-heure tout au plus. Les moyens de défense des limnées sont des plus primitifs. Lorsque, le ventre tourné vers le ciel, elles se livrent à leurs lentes évolutions, ouvrant de temps en temps leur tube respiratoire, s’il se produit dans leur voisinage un mouvement suspect, si vous les touchez par exemple, elles se contractent vivement, se laissent choir au fond.de l’eau et rentrent dans leur coquille. Mais procédez avec précaution, vous finirez par les manier sans éveiller leur défiance. Voici comment.

Avisez l’une d’entre elles qui s’épanouit au soleil et hume l’air, glissant à fleur d’eau. Laissez tomber près de sa tête un peu de mie de pain réduite en fragments minuscules. Un léger frisson de l’animal vous indiquera qu’il a perçu la chute de ces corpuscules étrangers. Néanmoins il se rassure promptement, car il remarque que cette poussière qui tombe est bonne à manger. Il l’avale avec avidité, et il a manifestement l’air de la trouver de son goût. Pendant qu’il est en train d’absorber la nourriture, activez progressivement la force de chute, faites les fragments plus gros, lancez-les-lui même sur le ventre, il finit par ne pas s’en préoccuper du tout. Quand on en est arrivé là, on peut déjà avec le doigt le secouer légèrement par la pointe de sa coquille ; l’émotion qu’il en pourra ressentir ne sera pas pas assez vive pour lui faire interrompre son repas. Insensiblement, on va jusqu’à le saisir doucement et le pousser. Enfin on peut même le tirer de l’eau et le remettre dans sa position, sans qu’il songe à s’enfoncer. Il y a mieux encore, mais ceci demande un peu plus de temps et de patience. Chez moi, dans un bassin qui offre aux limnées toutes les conditions de la liberté et où elles se multiplient, j’en ai familiarisé à ce point que je pouvais les tirer du fond, puis, qu’ayant saupoudré de mie de pain le bord de leur coquille, et les soutenant un instant à la surface du liquide, je les voyais sortir de leur hélice pour happer la nourriture qu’elles savaient évidemment leur être préparée.

Pour moi, je ne douterai jamais que les limnées ne comparent, ne raisonnent, ne réfléchissent, et qu’une vieille limnée n’en sache plus long qu’une jeune. J’ai la conviction qu’une amibe, qu’une monère même acquièrent de l’expérience, qu’elles deviennent, par exemple, plus adroites pour atteindre leur proie ou pour éviter de devenir proie à tour.

On me dira : Le mécanisme est différent ; faut-il s’étonner si le produit est différent ? un tournebroche peut-il faire le même travail qu’un métier Jacquart ? D’accord ; mais l’un non plus que