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c’est disposer ses organes pour recevoir au mieux l’action du stimulant. Aussi n’est-elle excitée et entretenue que par un stimulant. À mesure que l’expérience se développe nous acquérons une plus grande capacité d’attention et, tout à la fois, une certaine incapacité à l’égard des sensations répétées et habituelles. Cette incapacité peut aussi provenir de ce qu’un stimulant plus puissant nous attire d’un autre côté. En tout état de cause, c’est en vertu de cette incapacité que beaucoup de phénomènes psychologiques passent inaperçus, et que nous transformons des changements internes en signes externes de la chose perçue. Car nous avons intérêt à connaître, non pas ce qui se passe en nous, mais ce qui se passe en dehors de nous.

Nous voici de cette façon amenés à nous occuper de la conscience de soi. Qu’est-ce que le moi ? qu’est-ce que la personnalité ?

Jusqu’à présent, nous avons considéré les changements survenant dans les organes dessens et dans le sensorium, comme des événements isolés. En réalité, nous le savons, les organes sont des différenciations de l’organisme. Bien que, sous le point de vue analytique, la respiration soit indépendante de la digestion, et la locomotion indépendante de l’une et de l’autre, au fond toutes trois sont des fonctions vitales. Il en est de même des actions mentales ; elles ont une indépendance relative ; mais elles sont, à l’égard les unes des autres, dans une interdépendance absolue. Psychologiquement, la personnalité correspond à ce que le centre de gravité est physiologiquement. Ce centre est un point nécessairement changeant ; notre marche est une suite de chutes rêvées par la position de ce centre. De même, chaque état psychologique est déterminé d’une manière obscure par ses relations avec l’état général. C’est sur ce fond commun, quoique changeant, que viennent se peindre les images particulières ; et ce fond est le produit de l’intégration successive des impressions et des mouvements. Notre caractère individuel est le résultat de l’organisation de nos expériences passées. Ainsi définie, la personnalité appartient aux enfants et aux animaux aussi bien qu’aux hommes. Mais la conscience de soi proprement dite est une conception que l’homme seul obtient par la logique des signes.

Le champ sensoriel est soumis à un mouvement alternatif d’expansion et de restriction. Ce mouvement est normal (sommeil) ou anormal. Dans ce dernier cas se produit l’illusion de la double personnalité.

La conscience est un sentir sériel ; en d’autres termes, une suite de sensations enchaînées. Cette suite est continue, bien que les termes en soient distincts. Comment dès lors peut-il y avoir deux états simultanés de conscience ? Comment un fou peut-il se juger