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j. delbœuf. — le dernier livre de g. h. lewes

un réflexe volitionnel. Je vais exposer brièvement ses idées sur ce sujet.

Dans son sens le plus large, le mot conscience est synonyme de sensibilité, ou d’activité de l’organisme sensible. Cette faculté implique des activités de plusieurs sortes : les unes perçues, d’autres faiblement perçues, d’autres enfin entièrement et distinctement perçues. Dans son sens étroit, — et c’est celui qu’on lui donne le plus souvent en philosophie, ce terme désigne un certain état en relief du phénomène sensible. C’est ainsi que la vision par la tache jaune est claire, distincte, lumineuse, et masque par sa présence les sensations plus obscures qui ont leur siège dans les zones environnantes de la rétine. Cependant si par un acte de la volonté, on anéantit pour ainsi dire la vision distincte, on aperçoit nettement les objets qui affectent l’œil obliquement. La conscience n’est donc pas une particularité additionnelle, due à l’intervention d’un organe spécial, le cerveau par exemple, comme le veut l’école physiologique.

Lewes n’est pas partisan de ceux qui voient dans les mouvements réflexes des phénomènes physiques. Sur ce point, il combat M. Spencer. Une action ne cesse pas d’être vitale parce qu’elle devient automatique, ou d’être mentale parce qu’elle devient organisée. D’ailleurs, on peut acquérir la conscience des mouvements réflexes, d’un clignement d’yeux par exemple. Les actions logiques peuvent aussi devenir inconscientes ; ont-elles pour cela passé du domaine psychique dans le domaine physique ? A-t-on toujours conscience de la mineure d’un raisonnement ? D’un autre côté, l’inconscience n’est pas la même chose que l’absence de conscience. Une machine n’est pas inconsciente, non plus qu’un dogue n’est inhumain. Voir l’obscurité n’est pas la même chose qu’être aveugle. L’inconscience est un état relatif entre l’inconscience et la conscience vient se placer la sous-conscience. La raison de ces différences se trouve dans le degré plus ou moins marqué de l’attention.

Contrairement au langage vulgaire et à l’opinion de certains philosophes, l’attention n’est pas une faculté. Considérée par son côté actif, c’est un des phénomènes de la fonction réflexe ; par son côté sensible, c’est une mesure d’intensité. Elle est volontaire ou involontaire. Sous l’une comme sous l’autre forme, c’est une mise au foyer mentale ; par elle, la sensation passe de l’inconscience ou de la sous-conscience à la conscience. Peut-être appelle-t-elle le sang dans la partie sur laquelle elle se fixe mais une chose est certaine : c’est qu’aucun effort d’attention ne peut évoquer de sensation là où il n’y en a pas quelque vestige. Ainsi l’attention est un réflexe volitionnel. Diriger son attention, — dans les observations par exemple,