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problème et la certitude de la philosophie. La science a pour objet de recueillir et de coordonner les phénomènes observables, eu remontant à leurs antécédents prochains, en déterminant leurs suites vérifiables, dans une progression indéfinie. Elle s’efforce de combler par des hypothèses contrôlables les lacunes qui séparent encore les différents groupes de faits constatés. La possibilité de l’expérience forme sa limite. Son idéal serait de présenter un tableau complet des phénomènes dans l’ensemble de leurs relations simultanées et dans l’enchaînement de leur succession. Cet idéal s’impose ; il subsiste en dépit des doutes qui s’élèvent sur la possibilité de le réaliser. La fidélité du tableau est en relation manifeste avec les formes de notre perception, dont l’identité qualitative dans les différents individus constitue le fondement de toute certitude scientifique. L’esprit, fécondé par l’analogie, conçoit des hypothèses qui servent à classer provisoirement les faits observés, aussi bien qu’à diriger les observations ultérieures. Des considérations tirées de l’ordre supposé des fins et des causes peuvent suggérer l’hypothèse elle-même ; mais l’hypothèse proprement scientifique ne porte que sur des objets et sur des rapports observables de leur nature. Aussi le savant impie et le savant dévot pourront-ils parfaitement collaborer, à la seule condition d’être des savants. Car Dieu ne saurait figurer à aucun titre dans la science, ni comme supposition, ni comme inférence, ni pour l’affirmer ni pour le nier, l’affirmation et la négation étant également d’un autre ordre, incontrôlables. Enfin rien ne saurait entrer dans le corps de la science à titre de vérité, sinon ce qui est établi directement par l’observation.

Ainsi la science est démontrable. Elle s’impose à tous les esprits bon gré mal gré. Elle possède une certitude objective, c’est-à-dire universelle.

La collection des faits prouvés qui forme le tout réel de la science d’un temps donné n’est que la matière et le point du départ de sa philosophie. La première perçoit les phénomènes et les explique en les rattachant à d’autres phénomènes qu’elle imagine avec l’espérance et dans le but de les percevoir quelque jour. Ce qu’elle entend par explication n’est en réalité qu’une simple subordination des phénomènes les uns aux autres. La totalité de la représentation forme son idéal. L’objet de la philosophie est la conception rationnelle de l’univers. Dans cet ensemble, qu’il ne peut changer, l’esprit philosophique aspire à se retrouver lui-même. Expliquer, c’est, pour le savant, montrer comment les choses se sont produites. Le philosophe cherche à comprendre pourquoi elles sont. Et ne venez pas lui dire que sa question n’a pas de sens. Le sens en est clair, puis-