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P. TANNERY. — l’éducation platonicienne

nomie, assez longuement traitée par Théon de Smyrne, est celle d’Hipparque, postérieur de deux siècles à Platon. Au contraire, malgré sa promesse, Théon ne semble pas avoir réellement traité la géométrie, dont il dit à peine quelques mots. Et, de fait, celle-ci n’a jamais été enseignée dans l’antiquité sans l’appareil euclidien. Peut-être Platon considérait comme possible d’en faire une exposition abrégée, comme pour l’arithmétique ; mais au moins fallait-il y apprendre aux élèves ce qu’est une démonstration rigoureuse et en quoi elle diffère d’une induction, même tirée, comme en arithmétique, d’autant de cas particuliers que l’on voudra.

Abandonnons donc ce point, qu’il est difficile de bien élucider, et revenons à l’arithmétique. Ayant défini le caractère de renseignement préparatoire, il reste, pour en préciser les matières, à écarter celles que nous rencontrons dans les ouvrages de Nicomaque et de Théon de Smyrne et qui ne pourraient être attribuées à l’époque de Platon.

L’Introduction arithmétique du néo-pythagoricien de Gérasa, écrite à une époque de décadence des études sérieuses, a joui d’une fortune singulière. C’est, en somme, un assez mauvais manuel des théories dont ia connaissance était regardée comme indispensable à un philosophe, une introduction à l’étude non pas de l’arithmétique, mais bien de la philosophie et en particulier de la Théologie arithmétique, où le même auteur avait entassé les rêveries néo-pythagoriciennes sur les nombres et dont d’importants fragments ont été conservés dans la Bibliothèque de Photius, comme dans les Theologumena anonymes compilés au iii- siècle ou ive siècle après Jésus-Christ.

Ce petit livre remplaça les écrits théoriques antérieurs, dont il ne reste que de faibles indices, se rapportant presque exclusivement a l’école pythagoricienne[1] ; il devint la base de l’enseignement et, comme tel, fut indéfiniment commenté. Grâce à une traduction de Boèce, son influence persista pendant tout le moyen âge. Nicomaque acquit ainsi un renom de mathématicien bien peu justifié, et l’ironique plaisanterie de Lucien : « Tu calculeras comme Nicomaque de Gérasa, » fut bientôt prise pour argent comptant.

Et cependant non seulement Nicomaque n’a certainement rien inventé en arithmétique, mais encore il est facile de voir que la plupart des théories exposées par lui remontent au moins à l’époque de Platon.

  1. Les Theotogumena ( ed. Ast, Leipzig) citent des ouvrages de Philolaos, Clinias de Tarente, Archytas, antérieurs à Platon ou de son temps, ainsi qu’un traité de son neveu Speusippe sur Les nombres pythagoriques.