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ANALYSESmalcolm guthrie. — On Spencer’s Formula.

losophie cette définition, à savoir qu’elle est « la connaissance du plus haut degré de généralité », définition obscure, équivoque[1]. Quel est l’objet de cette connaissance ? l’univers actuel, celui que nous percevons à l’aide de nos sens et tel qu’il s’offre à nos regards ? ou bien veut-on nous apprendre quel fut cet univers à l’origine et faire revivre son passé ? D’un passage extrait du paragraphe 186 des Premiers principes, il résulte qu’aux yeux de M. Spencer la philosophie a pour objet la synthèse universelle. Son but est de trouver une formule explicative du monde, des changements qui l’ont affecté, des transformations qu’il parait destiné à subir. Donc toute philosophie est une cosmogonie.

Soit. Mais alors il doit être bien entendu que la formule promise expliquera tout le détail de l’univers et l’expliquera par le menu. Quelle est donc cette formule ? D’abord, le monde actuel est le résultat d’une évolution ; ensuite, l’évolution est « une intégration de matière accompagnée d’une dissipation de mouvement pendant laquelle la matière passe d une homogénéité indéfinie, incohérente, à une hétérogénéité définie, cohérente et pendant laquelle le mouvement retenu subit une transformation analogue[2]. »

I. Représentons-nous le monde à son origine et dans un état d’homogénéité parfaite. Selon toute apparence nous devons imaginer une masse sphérique, partout uniforme, constituée par des atomes ou « unités ultimes », tous identiques les uns aux autres ; point d’éther interposé. Ces atomes seront supposés en mouvement. — Mais pourquoi ce mouvement ? Il y a plus. Pourquoi ces unités ultimes ? — Toutefois, laissons de côté les questions indiscrètes, et demandons-nous, ce qui importe au premier à savoir, comment l’homogène deviendra hétérogène. C’est un principe admis par M. Spencer que l’action est égale à la réaction et de sens opposé[3]. Dans ces conditions, il faut attribuer aux atomes un double mouvement du centre à la circonférence et de la circonférence au centre, ce qui ne nous aide guère à sortir de l’homogénéité primitive. Le seul moyen d’arriver à l’hétérogène consisterait à faire agir la force de gravitation : on verrait alors la sphère se transformer en une autre qui ne serait plus partout uniforme et qui comprendrait des couches concentriques allant de son centre à sa circonférence, composées d’atomes différents les uns des autres sous le double rapport de la structure et de la densité[4]. Une fois constituée comme il vient d’être dit, la sphère resterait vraisemblablement dans un état parfait d’équilibre. Pour y apporter le trouble, il faudrait imaginer une deuxième sphère semblable à la précédente et qui la viendrait heurter. Que de complications ! Mais raisonner ainsi, c’est prendre mal la pensée de M. Spencer. Nous

  1. P. 1-6.
  2. Voir les Premiers principes, à la page 424 de la traduction française. Paris, G. Baillère. 1871.
  3. Ibid., p. 573.
  4. M. Guthrie, p. 21 et suiv.