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ANALYSESmalcolm guthrie. — On Spencer’s Formula.

conscience. Donc, ici encore, la formule est stérile[1]. Cette discussion, qui comprend un chapitre et demi et n’a pas moins de quarante pages, mériterait autre chose qu’un exposé rapide ; nous laissons au lecteur moins pressé que nous le soin de s’y arrêter.

II. Si la formule de l’évolution ne tient pas ce qu’elle semblait promettre. il ne faut pas oublier qu’elle n’est qu’une formule. Elle contient le principal ; mais, comme il arrive presque toujours, elle sous-entend plus encore qu’elle ne donne à entendre. On nous dit que tout se fait en ce monde par étendue et mouvement ; et la cosmologie de M. Spencer est, en apparence du moins, aussi économe que l’était la physique de Descartes. Au fond, il n’en est peut-être rien. Si i on se souvient en effet des bases sur lesquelles repose cette cosmologie, on remarquera qu’aux principes de l’indestructibilité de la matière et de la continuité du mouvement il faut ajouter celui de la persistance de la force. Jusqu’ici, l’on n’a eu recours qu’aux deux premiers facteur : la matière et le mouvement ; en essayant du troisième, uni aux deux autres, « la Force », il se peut qu’on sorte d’embarras. De là une nouvelle suite de démarches et comme une seconde lecture obligée des Premiers principes.

Je suis tenté de croire que M. Guthrie ne relira que pour la forme et pour mieux se convaincre de sa propre impartialité. On sait, en effet, combien M. Spencer est circonspect à l’endroit de la force. Non seulement il ne la définit pas mais il ne veut pas la définir, attendu qu’à ses yeux la force est un inconnaissable. Ses effets seuls nous sont accessibles. Cela est dit au début des Premiers principes. En se le rappelant, l’auteur de la présente étude se serait épargné et nous aurait épargné nombre de recherches infructueuses.

En effet, ce troisième chapitre n’est intéressant que par les digressions. On est parti à la découverte de la force ; mais, comme on a presque aussitôt désespéré d’y réussir, on cherchera autre chose, et l’on mettra la main sur de nouveaux textes importants : quand ils ne serviraient qu’à donner plus de valeur aux conclusions de la première partie, où serait le mal ? Lorsqu’on discute avec un homme du renom de M. Spencer, il ne faut pas oublier le vieux proverbe et ne pas craindre de trop prouver.

Ce défaut de composition mis à part, il y a beaucoup à prendre dans cette troisième partie.

Les textes font autorité, et les coups de l’adversaire feraient brèche si l’on ne devait toujours se mettre en garde contre les citations. Si longues qu’elles soient, et quelle que soit leur exactitude, elles ne sont que des extraits ; or est-on bien sûr qu’un texte une fois sorti de son milieu ne perdra rien de su physionomie première ? Arrivons bien vite aux conclusions de M. Guthrie. Le concept de force ne joue aucun rôle dans l’explication du monde et n’en peut jouer aucun. En effet, de deux

  1. Guthrie, p. 30-73.