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j. delbœuf. — le dernier livre de g. h. lewes

émises dans les chapitres précédents. Il est substantiel et intéressant, mais il est incomplet en plusieurs endroits, et l’on sent que l’auteur n’y a pas mis la dernière main.

D’ordinaire, dit-il, on localise les trois facultés, sensation, pensée, volition, soit dans les hémisphères cérébraux, soit dans certaines de leurs circonvolutions, soit dans certaines cellules. Des écrivains confinent la sensation dans la couche optique, la pensée dans le cerveau, la volition dans le corps strié. Toutes ces localisations n’ont absolument rien de physiologique, et sont, en tout cas, complètement hypothétiques. En dehors de l’organisme, l’œil ne peut voir, l’estomac ne peut digérer. En assignant la pensée aux hémisphères, on commet deux méprises on restreint d’abord une fonction générale à un organe particulier, en confondant pensée et conception, intelligence et logique des signes ; en second lieu, on s’imagine que cet organe, en cela différent des autres, peut se passer de la coopération du sensorium. De plus, l’hypothèse est fausse, car il est impossible de dénier la sensibilité aux animaux à qui l’on a amputé les hémisphères ; et, pour ce qui est de la pensée, l’hypothèse n’est soutenable qu’en entendant par ce mot., non le procès logique général, mais un certain procès particulier, coordonnant certaines sensations spéciales. On ne peut dire du cerveau qu’il est l’organe de la pensée que comme on dit de l’œil qu’il est l’organe de la vision, ce qui signifie tout simplement que c’est la partie la plus apparente de l’appareil complexe dont les fonctions et les facultés enveloppent l’activité convergente de toutes les parties. Et encore la comparaison est inexacte. Nous voyons par les yeux, et rien que par les yeux ; à ce titre, ils sont bien les organes de la vision. Mais on n’en peut dire autant du cerveau. La pensée n’est pas une fonction restreinte, comme l’est la vision. L’esprit est la somme de tous les phénomènes psychiques ; dès là il a pour organe le complexus de tous les organes dont ces phénomènes dépendent, c’est-à-dire, par conséquent, l’organisme, dont le cerveau ne peut être séparé que par l’analyse.

Certains auteurs allemands étendent l’hypothèse de l’énergie spécifique des nerfs au sensorium, et créent ainsi des substances sensibles, pensantes, voulantes. Il n’existe pas de telles substances, ou bien il faut entendre par ces mots, non des tissus spéciaux, mais des groupements particuliers d’éléments nerveux déterminés primitivement et idiopathiquement par le contact d’un stimulant, et secondairement ou sympathiquement par la stimulation de quelques autres groupes unis avec eux. Il résulte de là que la reproduction occupe ou peu s’en faut le même groupement nerveux que la sensation qui l’a produite ; et, comme la mémoire est la révivification de sensa-