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tions passées, et le jugement une combinaison d’images et de sensations, il s’ensuit que la substance pensante est la même que la substance sensible.

Lewes discute ensuite brièvement quelques hypothèses sur la transformation des sensations en perceptions et conceptions. Il les déclare contraires aux faits. Il adresse le même reproche au schème que la physiologie moderne a mis à la mode : une fibre sensitive et centripète se terminant dans une cellule sensible ; celle-ci reliée à une cellule motrice d’où part une fibre centrifuge et motrice aboutissant à un muscle. Tout cela, d’après Lewes, est pure fiction. Nous voyons bien ces fibres, et nous voyons aussi que le mouvement produit est généralement précédé d’une sensation ; mais voilà à quoi se borne notre connaissance. Le diagramme schématique est simple et clair ; mais cette simplicité et cette clarté ont été obtenues aux dépens de la réalité. On a proposé des diagrammes plus compliqués. Le mouvement centripète peut se transmettre directement de la cellule sensible s1, à la cellule motrice m1, pour, de là, passer dans le muscle. Ce serait là l’action réflexe, purement physique. Mais il pourrait de s1 se transmettre à une cellule s2, et même à une troisième cellule s2, pour revenir dans le muscle en passant d’abord par une cellule m2, et même par une cellule m2, et ces deux modes d’action seraient, l’un psychophysique, l’autre conscient. Ce diagramme s’appuie sur quelques faits indiscutables, mais aussi sur des inférences très discutables. Toutes ces distinctions entre fibres centripètes et fibres centrifuges sont analytiques. Tout nerf peut conduire l’excitation dans les deux directions. Il suffit de mentionner ces expériences faites sur les hypnotisés à qui l’on inspire des sentiments déterminés, la colère par exemple, en leur faisant prendre une attitude correspondante, comme d’étendre le bras et de fermer le poing. La conclusion finale de toute cette discussion, c’est que les conditions de l’excitation sensorielle sont beaucoup plus complexes et plus obscures que ne l’indiquent les diagrammes en question.

Je ne suis pas assez familier avec la physiologie pour porter un jugement valable sur le contenu de ce chapitre. Je pense que la dernière phrase est vraie mais, d’autre part, la science a pour mission de réduire les phénomènes à leur plus simple expression. Rien de plus compliqué que la trajectoire d’un corps qui tombe librement sous l’action de la seule pesanteur ; cependant nous la ramenons à une verticale ; et, dans le fait, c’est une combinaison de verticales.

On peut donc hypothétiquement concevoir l’organisme des animaux supérieurs comme une combinaison d’organismes inférieurs et élémentaires, constitués eux-mêmes d’une fibre sensitive et d’une