Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
405
herbert spencer. — les chefs politiques

héréditaire, elle est ordinairement instable. On peut citer les Australiens et les Tasmaniens comme des exemples types. Chez les Haïdahs et autres peuples sauvages de Colombie, « le rang est héréditaire de nom et se transmet le plus souvent dans la ligne féminine ; » et l’autorité « dépend en grande partie de la richesse et de la capacité à la guerre ». Chez d’autres tribus américaines, les Chippeouais, les Comanches, les Serpents, nous voyons le système de parenté par les femmes combiné soit avec le défaut ou l’état rudimentaire de l’hérédité de l’autorité. Dans l’Amérique du Sud, les Araouaks et les Ouaraus conservent la filiation féminine et des chefs héréditaires, mais d’une autorité à peu près nominale. On peut en dire autant des Caraïbes.

Il faut rapporter ici un groupe de faits d’une grande signification. Chez un grand nombre de peuples où la transmission de la propriété et du rang en ligne féminine est la règle, il est fait exception en faveur du chef politique ; et les sociétés où cette exception existe sont celles où l’autorité politique est devenue relativement stable. Encore que la parenté par les femmes existe aux îles Fidji, d’après Seemann, le chef, choisi parmi les membres de la famille royale, est « généralement le fils » du dernier souverain. À Tahiti, où les deux rangs les plus élevés suivent le système primitif de filiation, la succession masculine au rang de chef est si bien établie que le père dès la naissance de son fils aîné n’est plus que le régent de l’État en son nom. Chez les Malgaches, où la parenté par les femmes est la règle, le souverain nomme son successeur, et, s’il y manque, les nobles le font à sa place ; et, « à moins d’une incapacité réelle, c’est le fils aîné qu’on choisit d’ordinaire. » L’Afrique nous offre des exemples de genres divers. Quoique les indigènes du Congo, les nègres de la Côte et ceux de l’intérieur aient formé des sociétés d’une certaine grandeur et d’une certaine complexité, en dépit de ce que la parenté par les femmes assure la succession au trône, nous savons que chez les premiers « la fidélité est vague et incertaine » ; que chez les seconds, partout où la liberté n’existe pas, le gouvernement est « un despotisme sans sécurité et de courte durée » ; que chez les troisièmes enfin, lorsque le gouvernement n’est pas d’un type mixte, il consiste en « un despotisme rigoureux, mais plein de périls. » En même temps, dans les deux états les plus avancés et les plus puissants, la stabilité de l’autorité politique coïncide avec une dérogation, partielle ou complète, de la succession par les femmes. Chez les Achantis, l’ordre de succession est ainsi réglé « le frère, puis le fils de la sœur, enfin le fils ; » au Dahomey règne l’ordre de primogéniture masculine. Les civilisations américaines éteintes présentent d’autres exemples