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des crimes, et tous les membres d’une famille vivent unis dans une subordination stricte à leur chef jusqu’à sa mort. » Sir Henry Maine et d’autres historiens nous ont familiarisés avec le développement des groupes ainsi formés en groupes composés et doublement composés, obéissant à l’autorité de celui qui unit la qualité de chef de la famille avec celle de chef politique ; c’est un état social commun aux Grecs, aux Romains et aux Germains primitifs ; on le retrouve encore chez les Hindous et les Slaves.

Nous voyons là la première apparition d’une cause qui mène à la permanence de l’institution du chef politique. Comme on l’a vu dans un chapitre précédent, si la succession de par la capacité donne de la plasticité à l’organisation sociale, la succession de par l’hérédité lui donne la stabilité. Nulle disposition réglée ne saurait naître dans une communauté primitive tant que la fonction de chaque unité ne dépend d’aucun autre titre que sa capacité, puisque, à sa mort, la constitution politique, en ce qui concerne le rôle qu’il y jouait, est à refaire. C’est seulement lorsque sa place est immédiatement remplie par un homme dont les titres sont reconnus, que prend naissance la différenciation qui survit durant de nombreuses générations. Évidemment, dans les premiers âges de l’évolution sociale, alors que la cohésion est faible et que la structure est encore rudimentaire, il est nécessaire que le principe d’hérédité, surtout au point de vue de l’autorité politique, l’emporte sur le principe de la capacité. L’examen des faits le montrera clairement.

Il faut d’abord considérer deux formes primaires de la succession héréditaire. Le système de parenté par les femmes, comme chez les peuples grossiers, aboutit à la transmission de la propriété et du pouvoir aux frères et aux enfants des sœurs ; mais le système de parenté par les mâles, général chez les peuples avancés, aboutit à la transmission de la propriété et du pouvoir aux fils ou aux filles. Nous avons d’abord à remarquer que la succession par les femmes aboutit à une autorité politique moins stable que la succession par les mâles. Nous avons vu en traitant des relations domestiques que le système de parenté par les femmes s’établit lorsque les unions des sexes sont temporaires et non réglées ; il faut en conclure que ce système familial est propre aux sociétés arriérées à tous les points de vue, l’ordre politique compris. Les relations irrégulières impliquent la rareté et la faiblesse des liens connus de parenté, et un type de famille dont les anneaux successifs ne sont pas fortifiés par autant d’anneaux collatéraux. Il en résulte communément que, lorsque la filiation par les femmes existe, l’autorité d’un chef n’existe pas, ou qu’elle est basée sur le mérite, ou bien que, lorsqu’elle est