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herbert spencer. — les chefs politiques

qui ne distinguent pas comme nous le divin de l’humain. C’est ce qui arrivait dans l’exemple que nous venons de citer, celui des Péruviens. Il en était encore ainsi chez les anciens Égyptiens. Le monarque « était le représentant de la divinité sur la terre et de même substance que le dieu » ; non seulement il devenait dans bien des cas dieu après la mort, mais on l’adorait comme tel pendant la vie exemple la prière suivante adressée à Ramsès II « Quand ils arrivèrent devant le roi…, ils se jetèrent à terre, et, levant les mains, ils prièrent le roi. Ils louèrent ce divin bienfaiteur… en ces termes : nous venons devant toi, seigneur des cieux, seigneur de la terre, soleil, vie du monde, maître du temps…, maître de la prospérité, créateur des moissons, fabricateur des mortels, dispensateur de la respiration, animateur de la compagnie entière des dieux… toi qui as fait les grands et créé les petits…, toi notre seigneur, notre soleil, par la parole de qui Tum vit… accorde-nous la vie par tes mains. et l’air pour nos narines. » Cette prière nous suggère une remarquable analogie. Ramsès, dont la puissance, attestée par ses conquêtes, était regardée comme transcendante, est représenté dans cette prière comme le maître du monde supérieur autant que de l’inférieur ; et on attribue une puissance royale analogue chez deux peuples où l’absolutisme est également absolu, la Chine et le Japon. Comme nous l’avons vu en traitant des institutions cérémonielles, l’empereur de la Chine et le Mikado japonais possèdent une autorité telle dans les cieux qu’ils y font des promotions de rang à leur gré.

Il n’est pas besoin d’exemple pour montrer que, chez les premiers Grecs, l’autorité du chef politique s’est trouvée fortifiée par l’idée que ce chef était dieu ou qu’il descendait d’un dieu (soit l’ancêtre déifié de la tribu, soit l’un des dieux anciens). Les Aryens septentrionaux peuvent être aussi cités comme exemple. « D’après la foi des païens, la généalogie des rois saxons, angles, danois, norvégiens et suédois remontait à Odin ou à l’un de ses compagnons ou de ses héroïques fils. »

Il faut remarquer encore qu’un chef issu d’un dieu, qui est aussi grand prêtre des dieux, ce qui arrive d’ordinaire, possède une puissance surnaturelle plus efficace que celle d’aucun chef auquel on n’attribue que des pouvoirs magiques. En effet, au début on ne se représente les agents invoqués par le magicien que comme des agents du premier rang ; tandis que le chef issu des dieux est censé obtenir le secours d’un agent invisible suprême. En second lieu, l’une de ces formes d’influence sur ces êtres surhumains redoutés a bien moins de tendance que l’autre à devenir un attribut permanent du souverain. Quoique, chez les Chibchas, nous observions un fait où la