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puissance magique fut transmise à un successeur, quoique « le cacique de Sogamoso fit savoir que Bochica l’avait fait héritier de toute sa sainteté, et qu’il possédait comme lui la puissance de faire pleuvoir à volonté » et de donner la santé ou la maladie (ce que le peuple croyait), pourtant ce cas est une exception. En général, le chef dont les relations avec le monde surnaturel sont celles d’un sorcier ne transmet pas ce privilège ; aussi ne fonde-t-il pas une dynastie surnaturelle, comme le fait le chef issu d’un dieu.

Maintenant que nous avons examiné les divers facteurs qui concourent à établir l’institution du chef politique, examinons comment ce concours s’opère aux divers degrés de l’évolution de cette institution. Ce qu’il faut remarquer, c’est que les phénomènes successifs qui arrivent dans les groupes les plus simples, reviennent habituellement dans le même ordre, dans les groupes composés, et reparaissent dans les groupes doublement composés.

De même que, dans le groupe simple, il existe d’abord un état où il n’y a pas de chef, de même aussi, lorsque les groupes simples qui ont des chefs politiques possédant une faible autorité sont associés, il n’y a d’abord pas de chef de l’ensemble. Exemple les Chinouks. « Comme les familles, disent Lewis et Clarke, forment, en prenant de l’expansion, des bandes, ou tribus, ou nations, l’autorité paternelle y est représentée par le chef de chaque association. Ce chef, toutefois, n’est pas héréditaire. » Enfin, fait qui nous intéresse particulièrement en ce moment, « les chefs des divers villages sont indépendants les uns des autres » il n’y a pas de chef commun. De même que l’autorité du chef dans un groupe simple, d’abord temporaire, cesse quand la guerre à laquelle elle doit son existence, prend fin, de même dans l’ensemble des groupes qui ont chacun reconnu des chefs, c’est encore la guerre qui fait reconnaître un chef commun qui ne conserve pas son autorité au delà de la durée de la guerre. « Dans une guerre générale, dit Falkner, lorsque plusieurs nations contractent une alliance contre un ennemi commun, » les Patagons « choisissent un Apo ou commandant en chef, parmi les caciques les plus vieux ou les plus célèbres. » Des Indiens du Haut Orénoque vivent « en hordes de quarante ou cinquante sous un gouvernement familial, et ils ne reconnaissent un chef commun qu’en temps de guerre. » De même à Bornéo. « Durant la guerre, les chefs des Dayaks Sarebas accordaient une certaine obéissance à un chef principal, ou commandant en chef. » Il en a été de même en Europe. Seely remarque que les Sabins « semblent n’avoir eu un gouvernement central qu’en temps de guerre. » De plus, « la Germanie avait anciennement autant de républiques que de tribus. Excepté en