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Dans quelques tribus… il est presque l’objet d’un culte. Dans le Msanbara les indigènes disent : « Nous sommes tous esclaves du zumbé (roi), qui est notre mulungu (dieu). » En vertu de la toi fondamentale du Dahomey, comme dans le Benin, tous les hommes sont esclaves du roi, et la plupart des femmes sont ses épouses ; » enfin, au Dahomey, le roi s’appelle « l’esprit ». Les Malgaches disent du roi « notre dieu » ; il est le maître du sol, des propriétés et de ses sujets. Leur temps et leurs services sont à ses ordres. Dans les îles Sandwich le roi, personnifiant le dieu, émet des oracles et sa puissance « s’étend sur la propriété, la liberté et la vie de son peuple. » Divers souverains asiatiques dont les titres les proclament de la nature et de la race des dieux sont aussi les maîtres absolus de leurs peuples. Dans le royaume de Siam « le roi est le maître non seulement de la personne, mais en réalité de la propriété de ses sujets ; il dispose de leur travail et dirige leurs mouvements à volonté. » En Birmanie, « les biens et les personnes des sujets sont censés la propriété du roi, et c’est pour cette raison qu’il choisit pour concubine toute femme qui vient à lui plaire. » En Chine, « il n’y a qu’une personne qui possède l’autorité, l’empereur… un ouang ou roi n’a pas de possessions héréditaires, il vit d’un salaire accordé par l’empereur. L’empereur est le seul maître de la propriété foncière. »

Naturellement, lorsque le chef politique possède un pouvoir illimité ; lorsque, conquérant victorieux, il voit ses sujets à ses pieds à sa merci, ou lorsque, issu des dieux, sa volonté ne peut être contestée sans impiété, ou lorsqu’il unit les caractères de conquérant et de dieu, il absorbe tous les genres d’autorité : il est à la fois chef militaire, législateur, grand juge et souverain pontife. Le roi, dans la plénitude de son développement, est la clef de voûte de toute structure sociale, le directeur de toute fonction sociale.

Dans une petite tribu, le chef peut s’acquitter en personne de tous les devoirs de sa fonction. Il ne se borne pas à conduire les guerriers au combat, il a le loisir de régler les différends, il peut sacrifier à l’esprit ancêtre, il peut maintenir l’ordre dans le village, infliger des châtiments, régler les transactions commerciales ; en effet ceux qu’il gouverne sont peu nombreux et vivent dans un étroit espace. Quand il devient le chef de plusieurs tribus unies l’accroissement du nombre des affaires aussi bien que l’étendue de pays couverte par ses sujets, font naître des difficultés qui s’opposent à ce qu’il administre en personne. Il est nécessaire qu’il emploie d’autres personnes pour se procurer des informations, pour porter ses ordres et les faire exécuter sous leurs yeux ; à la longue, ces aides deviennent les chefs de départements administratifs et exercent une autorité déléguée.