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herbert spencer. — les chefs politiques

dans l’Arabie méridionale, et dont tous les princes avaient six doigts, dynastie qui demeura un objet de respect aux yeux du peuple parce que ses membres conservèrent la malformation héréditaire. L’Europe des temps mérovingiens en offre un exemple. La race royale encore païenne alléguait une origine divine ; mais quand elle fut devenue chrétienne, dit Waitz, ne pouvant plus la faire remonter jusqu’aux dieux, le mythe s’attacha au surnaturel : « un monstre marin aurait enlevé la femme de Clodion et de cette union serait né Mérovée. » Plus tard nous voyons un caractère sacré ou demi-surnaturel s’établir, qui n’existait pas dans l’origine. Les rois carlovingiens fondaient leur autorité sur l’assentiment divin. Durant l’âge féodal moderne, à part de rares exceptions, « les rois n’étaient pas très éloignés de se croire proches parents des maîtres des cieux. Les rois et les dieux étaient collègues. » Au xviie siècle, les théologiens prirent soin de justifier cette croyance. Les rois, dit Bossuet, « sont des dieux et participent en quelque sorte de l’indépendance divine. »

Par conséquent, l’autorité du chef d’un groupe composé naît d’abord pour un temps durant la guerre, puis elle est conférée à vie par l’élection à cause de la fréquente coopération des groupes ; elle passe ensuite à la forme héréditaire, et devenant plus stable à mesure que la loi de succession devient très définie et indiscutée ; mais elle n’acquiert sa plus grande stabilité que lorsque le roi devient un dieu délégué, ou lorsque sa nature divine, si elle n’est pas, comme chez les peuples primitifs, expliquée par une naissance ou une filiation divine, se trouve remplacée par une délégation divine dont l’autorité ecclésiastique garantit l’authenticité.

Quand l’autorité politique a pris ce caractère absolu qui provient de ce que le chef possède la nature divine ou descend des dieux, ou règne en vertu d’une commission divine, elle ne rencontre naturellement aucune limite. En théorie, et souvent en pratique, il est le propriétaire de ses sujets et du territoire qu’ils occupent.

Quand le régime militaire prédomine et que les droits d’un conquérant sont absolus, les choses se passent de même chez les peuples incivilisés qui n’attribuent pas un caractère surnaturel à leurs chefs. Chez les Cafres Zoulous, le chef « a un pouvoir absolu sur la vie de ses sujets ». — « Le chef Bhil est maître de la vie et des biens de ses sujets. » Aux îles Fidji le sujet est une propriété. Mais cela se voit surtout dans les pays où le chef passe pour être plus qu’un homme. Astley raconte que, dans le Loango, le roi « s’appelle samba et pongo, c’est-à-dire dieu. » D’après Proyart, dans le même pays, « les gens disent que leur vie et leurs biens appartiennent au roi. » Dans l’Ouasoro (Afrique orientale), le roi a un droit absolu de vie et de mort…