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pacité héréditaire, on observe qu’il est favorable au culte des ancêtres et par conséquent qu’il apporte à l’appui de l’autorité naturelle le concours d’une autorité surnaturelle. Le développement de la théorie spiritiste mené en réalité à la crainte des esprits des hommes puissants, jusqu’à ce que, après qu’un grand nombre de tribus ont été soudées ensemble par un conquérant, son esprit prenne dans la tradition la supériorité d’un dieu, d’où un double résultat. D’abord le descendant de ce conquérant, gouvernant après lui, est censé participer de sa nature divine, et ensuite obtenir son assistance, grâce aux sacrifices propitiatoires qu’il lui fait. La rébellion passe en conséquence pour un acte pervers et inexpiable.

Les méthodes d’après lesquelles l’institution du chef politique s’établit, se répètent à des périodes de plus en plus élevées. Dans les groupes simples, l’autorité du chef est d’abord temporaire ; elle cesse avec la guerre qui lui a donné naissance. Quand des groupes simples qui possèdent des chefs politiques permanents s’unissent pour des fins militaires, l’autorité du chef général n’est que temporaire. De même que, dans des groupes simples, l’autorité est d’abord ordinairement élective, et devient plus tard héréditaire, de même l’autorité du chef du groupe composé est au début ordinairement élective et ne devient héréditaire que plus tard. Il en est de même dans quelques cas où se forment des sociétés doublement composées. De plus, le pouvoir d’un chef suprême, produit d’une date plus récente, d’abord conféré à l’élection, puis devenu héréditaire est communément moindre que celui des chefs locaux dans leur propre territoire ; et, quand il devient plus fort, c’est d’ordinaire par le secours d’un autre principe, une filiation ou une commission prétendues divines.

Lorsque, en vertu d’une origine ou d’une autorité prétendues surnaturelles, le roi est devenu absolu, et que, possesseur à la fuis de ses sujets et de son territoire, il exerce tous les pouvoirs, il se voit obligé par le nombre des affaires à déléguer sa puissance. Par un effet de réaction, le mécanisme politique qu’il institue lui oppose une limite ; et ce mécanisme devient toujours trop fort pour lui. C’est surtout lorsque l’observation rigoureuse de la règle de l’hérédité porte ou fait asseoir des incapables sur le trône, ou que la prétendue nature divine du souverain le rend inaccessible à ses agents, ou que ces deux causes unissent leurs effets, que le pouvoir passe aux mains dé délégués. Le souverain légitime devient alors un mannequin, et son principal ministre le vrai souverain, qui dans certains cas, passant à son tour par des phases analogues, devient lui-même un mannequin qui laisse le gouvernement aux mains de ses subordonnés.

Herbert Spencer.