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herbert spencer. — les chefs politiques

Laissant donc de côté la question de savoir si, en dehors de la guerre, les groupes primitifs auraient jamais pu monter à l’état de nations civilisées, nous pensons que, sous les conditions telles qu’elles ont existé, les luttes pour l’existence entre les sociétés qui ont eu pour effet de fusionner de petites sociétés en des sociétés plus grandes, jusqu’à ce que de grandes nations se soient formées, ont nécessité le développement d’un type social caractérisé par un gouvernement personnel, rigoureux.

Pour mettre en lumière la genèse de cette institution politique principale, exposons brièvement les diverses influences qui ont concouru à la réaliser et les phases qu’elle a parcourues.

Dans les groupes les plus grossiers, la résistance que chacun de leurs membres oppose à l’usurpation de la suprématie par un individu quelconque, empêche d’ordinaire l’établissement d’une autorité constituée, quoique la supériorité de force, de courage, de sagacité, de biens, d’expérience qui marche avec l’âge, acquière communément de l’influence.

Dans ces groupes et dans les tribus un peu plus avancées, il y a deux genres de supériorité qui conduisent plus que les autres à la prépondérance ; celle du guerrier et celle du sorcier. Souvent séparées, mais quelquefois unies dans la même personne, et dans ce cas la rendant considérablement plus puissante, ces deux supériorités ont pour effet d’inaugurer l’institution du chef politique et demeurent plus tard encore des facteurs importants du développement de cette institution.

D’abord, pourtant, la suprématie acquise par de grands talents naturels, ou par un pouvoir prétendu surnaturel, ou par ces deux causes de supériorité, est passagère : elle cesse avec la vie de celui qui l’avait acquise. Tant que le principe de la valeur personnelle est seul en jeu, l’autorité ne se constitue pas d’une manière permanente. Elle a besoin pour cela du concours d’un autre principe, celui de l’hérédité.

La coutume de reconnaître la filiation par les femmes, propre à beaucoup de sociétés grossières et qui survit dans quelques sociétés très avancées, est moins favorable à l’établissement d’une autorité politique permanente que la coutume de reconnaître la filiation par les mâles. Enfin dans plusieurs sociétés à demi civilisées qui possèdent l’institution permanente du chef politique, l’hérédité par les mâles est établie dans la maison régnante, tandis que l’hérédité par les femmes survit dans la société en général.

Outre que l’usage de la filiation masculine donne à la famille plus de cohésion, apprend mieux la discipline de la subordination, et rend plus probable la conjonction d’une situation héréditaire avec une ca-