§ 12. La plupart des systèmes formés ou ébauchés par l’Inde, la Grèce va nous les représenter : elle les a même plus nettement séparés, mais par même obscurcis, cette distinction des systèmes établissant une opposition apparente entre des idées identiques dans le fond ; une seule et même conception se cachait sous toutes ces formules ; en les isolant, la Grèce a voilé l’image unique qu’elles reflètent.
§ 13. Aux Rishis védiques disant : « Au début étaient les eaux, » répond Homère : « Okéanos est l’origine de toutes choses, γένεσις[1] ». Ce fleuve lointain qui coule aux bornes de la terre, dans la région de la nuit, de qui sortent les fleuves, les fontaines, les sources et toutes les mers, a pu être assimilé de bonne heure à l’infini des vagues qui se prolonge au couchant lointain[2] : mais c’était avant tout l’océan atmosphérique, qui fait le tour de la terre, mais dans les hauteurs ; ténébreux, mais de la nuit des nuées : c’est dans ses demeures humides qu’a été élevée la déesse de la lumière céleste, l’épouse du dieu du ciel, Héra[3], et s’il est « le père des dieux, θεῶν γένεσις » [4], c’est au même titre et dans le même sens qu’en Inde les eaux portent en elles le « germe premier dans lequel sont contenus tous les dieux[5]. »
§ 13 bis. De là une philosophie. Le rêveur du Cratyle fait d’Homère une sorte de précurseur d’Héraclite : « Le fleuve Okeanos est le père des choses, parce que le monde est un fleuve courant, parce que
- ↑ Iliade, 14, 246.
- ↑ Iliade, 14, 200.
- ↑ Ἥρα est de nom et de nature identique à la Sûryâ védique, incarnation féminine de la lumière céleste et, comme Héra, type mythique de l’épouse (R. V., 10, 85).
- ↑ Iliade, 14, 201, 302.
- ↑
Avant le ciel, avant cette terre,
avant les dieux seigneurs,…
les eaux portaient le germe premier
dans lequel furent contenus tous les dieux (10, 82, 5-6).