Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
457
darmesteter. — les cosmogonies aryennes

Asuras et Devas, et les incidents de cette lutte, sujet favori de la poésie classique, marquent les moments de la création.

§ 10. La mythologie naturaliste offrait une dernière image, également propre à éveiller les idées de développement cosmologique. Les nuées s’entrelacent et s’agitent comme les branches d’un arbre gigantesque : le même nom, vana, désigne la forêt et la nuée. L’arbre prêtait aussi bien que l’œuf au symbole cosmogonique, et le monde pouvait devenir une ramification de l’arbre céleste, aussi bien qu’une germination de l’œuf céleste. Le brahmanisme contient des allusions à des mythes de ce genre : l’Univers est l’arbre de Brahma, c’est un açvattha dont les racines sont dans les hauteurs, dont les branches tombent en bas et en qui tous les mondes reposent[1]. Le rôle cosmogonique de l’arbre, ou mieux de la plante, se présente plus clairement et directement dans les mythes du lotus de Brahma. Au commencement de la période présente du monde, du présent Kalpa, les eaux couvraient le monde, faisaient le monde même sur ces eaux flotta un lotus d’or, de ce lotus d’or sortit Brahma, qui, des diverses divisions du lotus, créa les diverses parties du monde. On reconnaît trait pour trait la cosmologie de l’œuf de Brahma : des deux côtés, au début, les eaux ; ces eaux contiennent soit l’œuf d’or, c’est-à-dire le noyau nébuleux où germe la lumière, soit le lotus d’or, c’est-à-dire la nuée-plante où percent les couleurs de la lumière ; le lotus d’or de la nuée en se déchirant, comme l’œuf d’or de la nuée en se brisant, fera paraître le monde, fera le monde.

§11. L’Inde, en résumé, nous a présenté jusqu’ici sept idées ou sept formules cosmologiques : le monde vient des eaux, des ténèbres, de l’œuf, de la lumière, de l’amour, de la lutte[2], de la plante idées ou formules qui reviennent toutes à une seule et même image : le monde sort de la nuée.

  1. De là, déjà dans le Véda, l’idée que le ciel et la terre ont été taillés dans un arbre immense : « Quelle est la forêt, quel est l’arbre dans lequel ils ont taillé le ciel et la terre ? » (R. V. 10, 31, 7 ; 81, 4 ; cf. §18).
  2. Cette dernière idée exprimée en mythe, mais non réduite en formule.