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sont rencontrés dans « le vide qui s’étend entre la lumière infinie et les ténèbres infinies » et qui s’appelle Vâi, c’est-à-dire l’atmosphère[1] : Ormazd écrase son adversaire à coups de formules sacrées et pendant son accablement crée le ciel, la terre, le soleil et toutes les lumières matérielles.

La conception primitive, à peine voilée sous les formes mystiques qu’elle a revêtues ici, se retrouve, voilée autrement, sous des traits puérils empruntés à d’anciens contes, dans un mythe bizarre presque déchu en conte d’enfant. Un jour, Ahriman invita Ormazd à dîner : Ormazd, y étant allé, ne voulut pas manger que d’abord leurs fils ne se fussent battus ; et, le fils d’Ahriman ayant terrassé le fils d’Ornazd, les deux pères furent à la recherche., d’un juge et n’en trouvant pas firent le soleil pour leur servir de juge. Ces deux fils d’Ahriman et d’Ormazd sont connus par l’Avesta ce sont : Ajis, « le Serpent », et Atar, « le Feu », les deux représentants du démon et du héros d’orage dans la mythologie iranienne[2].

Sous ce récit puéril, se cache un mythe faisant sortir la création d’une lutte, un mythe analogue à ceux que nous avons rencontrés dans les Védas, dans Phérécyde[3] ; c’est de l’Empédocle mis en conte.

§ 25. Voici enfin l’œuf cosmique des Indous et des Grecs : « Le ciel et la terre et les eaux et toutes les autres choses qui sont dans le ciel sont faites à la façon d’un œuf d’oiseau. Le ciel, au-dessus et au-dessous de la terre, a été fait par Ormazd à la façon d’un œuf. La terre, à l’intérieur du ciel, est comme le jaune dans l’œuf[4]. » N’y a-t-il là qu’une comparaison à posteriori, ou ces mots : a été fait par Ormazd à la façon d’un œuf, sont-ils des souvenirs d’une conception où le monde naît réellement d’un œuf ? Un mythe persan transmis par Plutarque tranche la question dans ce dernier sens « au commencement du monde, Ormazd, créant les dieux, les mit dans un œuf : Ahriman perça cet œuf, et par là se fit le mélange du bien et du mal[5]. » Cet œuf où résident les dieux et que le démon pénètre

  1. Ormazd et Ahriman, § 97.
  2. Pour l’explication des détails, voir ibid., p. 113, note 1.
  3. Voir § 9 et § 17.
  4. Minokhired, 44, 8. Voir Ormazd et Ahriman, § 115. Cette comparaison se retrouve dans Varron (ap. Probum, Eclog.. VI, 31) : « Cœlum ut testa, item vitelium ut terra, inter illa duo humor quasi ἰκμάς inclusus aer, in quo calor. » Cette ἰκμάς est « le siège éternel des eaux » de la cosmogonie brahmanique, siège d’aer et de calor, des vents et de la flamme.
  5. De Iside et Osiride, 47 : ἄλλους δὲ ποιήσας τέσσαρας καὶ εἴκοσι θεοὺς, εἰς ὡὸν ἔθηκεν· οἱ δὲ ὑπὸ τοῦ Ἀρειμανίου γενόμενοι, καὶ αὐτοὶ τοσοῦτοι, διατρήσαντες τὸ ὠὸν γ ανωθὲν (? lire avec Xylander : διέτρησαν τὸ ὠὸν, ὅθεν) ἀναμέμικται τὰ κακὰ τοῖς ἀγαθοῖς..