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darmesteter. — les cosmogonies aryennes

n’est autre que l’œuf védique, la nuée où germe l’Embryon d’or et « où sont contenus tous les dieux[1] », c’est-à-dire le lieu où est en dépôt la lumière et où le démon d’orage pénètre, y mêlant ses ténèbres. C’est de cet œuf que l’univers sort dans la conception persane comme dans l’indo-grecque[2] ; le détail seul diffère, les deux parties du monde, ciel et terre, étant ici les deux divisions naturelles de l’œuf, le blanc et le jaune, là les deux éclats de l’enveloppe.

Le Mazdéisme a donc connu les mêmes principes cosmologiques que l’Inde et la Grèce, Eaux, Nuit, Œuf, Amour : il a de plus une forme particulière qui met au début les Eaux et le Feu combinés.

§ 26. C’est cette dernière combinaison qui domine la mythologie scandinave.

« Il y eut d’abord un temps, dit l’Edda, où point n’était l’Univers ; ni sable, ni mer, ni vagues salées ; point ne se trouvaient terre ni firmament ; un abîme béant[3]. » Bien des âges avant la création de la terre, au nord de cet abîme nommé le Ginnunga-gap, se produisit Niflheim, sombre et froid ; au sud, Muspelheim, la région des flammes, chaude et brillante. Il y avait une source dans Niflheim, d’où jaillirent douze ruisseaux qui remplirent de leurs flots le vide du Ginnunga-gap. Quand les eaux se furent assez éloignées de leur source pour perdre leur chaleur, elles se transformèrent en glace. Cette glace s’arrêtant et se fixant, les vapeurs qui passaient par-dessus gelèrent, et ainsi glaçons s’amassèrent sur glaçons jusqu’à remplir l’abîme. Le côté du Ginnunga-gap qui regardait le nord, le Niflheim, s’emplit de lourds amas de glaces et de neiges et là régnait l’orage et la tempête ; la région qui regardait le sud fut adoucie par les étincelles qui sortaient de Muspelheim, et, quand la chaleur qui en venait rencontra la glace, elle fondit, les gouttes s’animèrent et en naquit le géant Ymir, dont plus tard le cadavre forma le monde. De sa chair fut faite la terre, et la mer de sa sueur ; de ses ossements les montagnes, les arbres de sa chevelure, de son crâne le firmament[4].

Laissons de côté le géant Ymir, dont la naissance rentre dans un cercle mythique étranger, celui de l’apparition de la vie sur la terre tenons-nous en à la matière même du monde ; nous voyons qu’elle s’est formée de la rencontre du feu et de l’eau : or, l’eau est fournie

  1. Voir plus haut, § 13, note.
  2. Voir § 7 et § 15.
  3. Voluspa, 3.
  4. Gyifaginning, 4 sq. — Les théories nouvelles de MM. Bange et Sophus Bugge, tout en ébranlant l’authenticité de beaucoup des mythes de l’Edda et de toute la doctrine eschatologique, laissent intacte celle de la cosmogonie.