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darmesteter. — les cosmogonies aryennes
Chapitre VI

Cosmologies mystiques.

§ 33. Principes des cosmologies mystiques. — § 34. Puissance du sacrifice. — § 35 et 36. Le monde créé par le sacrifice ; — en Inde : — en Perse. — § 37. Rapports de la cosmologie mystique avec la cosmologie naturaliste. — § 38. Le monde créé par la parole. — § 39. Le monde créé par les Druides.


§ 33. Toutes les conceptions que nous avons parcourues jusqu’ici nous ramènent d’un accord unanime à la nuée créatrice : tous les éléments qu’on y peut isoler, Eau, Nuit, Feu, Amour, Lutte, ne sont que les éléments même qu’elle renferme, et les formes que revêt l’élément créateur, Œuf ou Arbre, ne sont que les formes même de la nuée. Tous ces éléments, toutes ces formes sont indo-europeennes, se retrouvent indifféremment avec plus ou moins de précision sur quelque point que ce soit de la terre aryenne, et les divers types cosmologiques que présentent la Grèce, l’Inde, la Germanie, la Perse, s’étaient produits déjà dans la période de l’unité générale, dans la religion indo-européenne primitive.

Mais il est une conception plus dégagée des images naturalistes, et qui mettait à l’origine des choses, non plus des forces matérielles et visibles, mais des forces mystiques et invisibles, celles du culte, à savoir : le Sacrifice et la Parole.

D’ailleurs, entre ces deux conceptions si diverses, il n’y a pas un abime elles sortent l’une de l’autre.

Dans la conception naturaliste, le monde naît des Eaux, des Ténèbres, du Feu, de l’Amour, de la Lutte, de l’Œuf, de l’Arbre, parce que de nos yeux, dans l’orage, nous voyons le monde, ciel et terre, sortir de la nuée qui est eaux, qui est œuf, qui est arbre, qui est ténèbres, qui récèle la flamme, qui abrite des amours et des haines. Mais s’il en sort sous nos yeux, sous l’action d’un dieu combattant, on peut dire aussi bien qu’il en sort sous l’action du sacrifice, de la prière.

§ 34. En effet, dans les idées des Aryens, le dieu n’agit point par sa seule force, il n’est point tout-puissant par lui-même ; il est plus fort que les héros humains ; mais sa force n’est point d’une autre nature, et elle est soumise aux mêmes fragilités, parce qu’elle s’alimente aux mêmes sources. Pour que le dieu soit robuste, il faut qu’il mange, il faut qu’il boive ; pour qu’il soit ardent à l’œuvre, il faut qu’il ait l’appât de la gloire, l’aiguillon de la prière qui appelle au secours, de la louange qui exalte avant le combat, magnifie après la victoire.