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charpentier. — philosophes contemporains

César. Il est bien certain qu’à parler rigoureusement une telle hypothèse n’est pas impossible. Mais c’est une hypothèse. Et, quand ce serait une vérité démontrée, on ne voit pas bien quels changements il en pourrait résulter pour nous. Si des séries de causes convergent à une distance si éloignée que nos spéculations scientifiques n’y puissent atteindre, elles sont pour nous comme si elles étaient indépendantes.

On voit maintenant les conséquences pratiques de ces observations. Tout phénomène s’explique par sa cause. Toute coïncidence de phénomènes s’explique ou bien par une communauté de causes ou bien par un certain ordre, par une certaine harmonie primitive des causes. C’est cet ordre, cette harmonie que désigne précisément le mot hasard.

Nous avons dû nous éloigner peu à peu du calcul des probabilités pour nous élever à des considérations purement philosophiques. Nous devons maintenant nous occuper de philosophie pure et rechercher quelle idée M. Cournot s’est faite de la nature d’abord et ensuite de l’homme.


II


Pour bien saisir la philosophie de M. Cournot, il ne faut jamais oublier que de tous les philosophes Kant est celui dont l’étude a fait sur lui l’impression la plus profonde. À certains égards, M. Cournot est un disciple de Kant ; mais c’est un disciple qui ne sacrifie jamais l’indépendance de sa pensée. Par exemple, il admet le principe de la relativité de la connaissance, mais il l’admet d’une manière assez nouvelle et avec des réserves qu’il convient d’indiquer.

Toute connaissance est relative. Ce principe peut s’entendre de deux manières assez différentes : il peut signifier que toute connaissance est relative à la nature de l’esprit humain, en sorte qu’elle exprime bien moins les lois des choses connues que celles de l’esprit connaissant ; mais il peut signifier aussi que nous connaissons non les choses en soi, mais seulement les rapports qui existent entre les choses. M. Cournot admet le principe dans ces deux sens, mais il faut voir les conséquences qu’il en tire.

On dit : Le soleil se lève, décrit un arc de cercle au-dessus de l’horizon et se couche. Cette proposition est vraie, car elle indique les changements de position relatives du soleil et du spectateur, et ces changements sont réels. Mais elle n’est vraie que d’une vérité relative, car elle ne tient compte que de deux termes : le soleil et le