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spectateur. On dit : Le spectateur qui regarde le soleil tourne autour de l’axe de la terre. Cette proposition est vraie, car elle exprime les mêmes rapports que la première, et elle exprime en outre les changements de position du spectateur par rapport à l’axe de la terre ; mais elle n’est vraie que d’une vérité relative, car elle ne tient compte que de trois termes, le soleil, le spectateur et l’axe de la terre. Comparez les deux propositions la première est relative, la seconde est relative aussi, mais elle n’est pas relative de la même manière. La première exprime un rapport plus simple, la seconde un rapport plus complexe. On dit quelquefois que la science a pour objet de substituer la réalité à l’apparence. La réalité n’est que relative seulement elle exprime des rapports plus complexes que les rapports exprimés par ce qu’on nomme l’apparence. La vérité absolue serait celle qui exprimerait à la fois tous les rapports possibles, mais l’intelligence humaine n’y peut atteindre.

Maintenant en quoi consistent ces rapports dont nous parlons et qui ne sont autre chose que les lois de la nature ? En quoi consiste la méthode que suit l’esprit humain pour découvrir les lois de la nature, méthode que tous les auteurs s’accordent à nommer induction ? La réponse que M. Cournot fait à cette question est originale et mérite d’être soigneusement examinée.

La plupart des auteurs conçoivent la loi à la façon de Stuart Mill. Pour eux, c’est une liaison nécessaire entre deux phénomènes. L’induction n’a pas d’autre objet que de découvrir la condition des phénomènes, c’est-à-dire le phénomène antécédent qui est lié d’une façon nécessaire au phénomène qu’on étudie. M. Cournot ne l’entend pas ainsi. Pour lui, une loi de la nature n’est pas la liaison nécessaire entre un phénomène conséquent et un phénomène antécédent qu’on appelle la condition du premier ; une loi c’est un rapport mathématique entre deux grandeurs variables, rapport exprimé par ce que les mathématiciens appellent une fonction. Il faut expliquer cela sur un exemple :

Un corps est tombé à Paris d’une hauteur de 19 m. 62. La durée de la chute a été justement de deux secondes. L’expérience a été faite dans le vide. Voilà un fait.

Un partisan de ce que je demande la permission d’appeler la théorie vulgaire de l’induction dira : Toutes les fois qu’un corps tombera dans le vide à Paris d’une hauteur de 19 m. 62, la durée de la chute sera de deux secondes. Le procédé inductif consiste simplement à faire cette généralisation.

Un disciple de Stuart Mill dira : La cause du phénomène est l’action de la terre sur le corps abandonné à lui-même. L’induction consiste