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charpentier. — philosophes contemporains

loppements qu’elle comporte. Nous devons maintenant revenir sur ce point.

Si l’on admet, comme le font encore aujourd’hui beaucoup d’auteurs, qu’une loi de la nature n’est pas autre chose que la généralisation d’un phénomène, on réduit singulièrement la théorie de l’induction. Un corps abandonné à lui-même dans des circonstances déterminées est tombé voilà un fait. Dire toutes les fois qu’un corps semblable sera abandonné à lui-même dans des circonstances semblables, il tombera ; c’est faire une induction. Peut-être sera-t-il nécessaire, pour légitimer une pareille extension de l’expérience, d’entrer dans des discussions métaphysiques fort compliquées. Au point de vue logique, scientifique, pratique, si l’on veut, il n’y a pas là de difficulté.

Stuart Mill a mieux que personne aperçu le vice d’une pareille théorie. Il démontre avec une force admirable et une admirable netteté que tout l’artifice du raisonnement inductif consiste à découvrir parmi les antécédents d’un phénomène l’antécédent nécessaire, celui qu’on peut nommer la condition du phénomène donné. Soit par exemple l’expérience de Torricelli. L’induction ne consiste pas à affirmer que répétée dans les mêmes conditions l’expérience donnera toujours le même résultat ; l’induction consiste à montrer que, de tous les antécédents du phénomène, la pression de l’air est l’antécédent nécessaire, ou la condition ou encore la cause du même phénomène. Dans ce système, la méthode inductive par excellence est l’experimentum crucis de Bacon, que Stuart Mill nomme méthode des différences. Toutes les autres méthodes, méthode des concordances, méthode des variations, ne sont en quelque sorte que des pis aller.

M. Cournot admet le système de Stuart Mill. Mais ce système lui semble insuffisant. Voici comme il propose de le compléter :

Une loi de la nature étant une relation mathématique constante entre deux quantités variables, l’induction est une méthode ou un procédé de raisonnement qui permet de découvrir une formule qui exprime cette relation. Examinons cette théorie sur un exemple. L’observation montre que la planète Mars change constamment de position tant par rapport aux étoiles fixes que par rapport au soleil la loi de ce mouvement n’est pas autre chose que la définition géométrique de l’orbite ou de la courbe décrite par la planète. Comment arriver à cette définition* ? Soient données par l’observation 10 positions particulières de Mars par rapport au soleil. Supposons qu’on ait reconnu que les 10 points déterminés sont situés sur une ellipse dont le soleil occupe un des foyers, on admettra provisoirement à