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juridique et au point de vue social. C’est en l’abordant sous ces différents aspects que nous allons l’étudier maintenant.

Au point de vue médical, le problème principal à résoudre est celui-ci Les cerveaux des criminels présentent-ils des altérations spéciales que l’observation démontre-être incompatibles avec l’exercice régulier des facultés Les criminels doivent-ils par conséquent être considérés comme des aliénés et traités comme tels ?

Lorsque l’on examine les procès-verbaux d’autopsie des suppliciés, les seuls condamnés dont les corps soient généralement examinés par des médecins, il est fort rare de ne pas y rencontrer la constatation de lésions cérébrales plus ou moins profondes. Les relations des divers cas connus ne pouvant être énumérées ici, je me bornerai à indiquer brièvement les résultats de l’autopsie des deux derniers sujets exécutés à Paris, Prévost et Menesclou, et de l’examen des. trente-cinq guillotinés du Muséum de Caen étudiés par le docteur Bordier et que j’ai eu également occasion d’examiner et de dessiner pour ma collection.

Le cerveau de Prévost a été étudié par Broca. Bien que ne présentant pas des altérations pathologiques proprement dites, il offrait certaines particularités qui l’ont fait déclarer, par l’illustre anatomiste, très anormal.

Quant au cerveau de Menesclou[1], il présentait des altérations

  1. La tête de Ménesclou a été, de la part du professeur Sappey, l’objet d’une expérience non encore entreprise sur l’homme et consistant à rendre la vie et la pensée à une tête coupée, par injection de sang. Elle n’a pas réussi sur Menesclou, parce que par suite des formalités administratives, cinq heures s’étant écoulées entre l’exécution et la remise du sujet au laboratoire, les tissus avaient déjà perdu une partie de leurs propriétés. Cette intéressante expérience fut faite pour la première fois sur un chien par Brown Séquard. Voici comment elle est rapportée par lui : « Je décapitai un chien en ayant soin de faire la section au-dessous de l’endroit où les artères vertébrales pénètrent dans leur canal osseux. Dix minutes après la cessation des mouvements respiratoires des narines, des lèvres et de la mâchoire inférieure, j’adaptai aux quatre trous artériels de la tête des canules qui étaient en rapport par des tubes en caoutchouc avec un cylindre en cuivre par lequel j’injectai du sang chargé d’oxygène à l’aide d’une seringue. En deux ou trois minutes, après quelques légers mouvements désordonnés, je vis apparaître des mouvements des yeux et des muscles de la face qui semblaient être dirigés par la volonté. Je prolongeai l’expérience un quart d’heure, et, durant toute cette période, ces mouvements, en apparence volontaires, continuèrent d’avoir lieu. Après avoir cessé l’injection, ces mouvements cessèrent et furent bientôt remplacés par des convulsions des yeux et de la face, par les mouvements respiratoires des narines, des lèvres et des mâchoires, et ensuite par les tremblements de l’agonie. Là pupille se dilata et se resserra ensuite comme dans la mort ordinaire. »

    Rapportant cette curieuse expérience, M. le professeur Vulpian s’exprime ainsi : « Si un physiologiste tentait cette expérience sur une tête de supplicié,