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Dr g. le bon. — la question des criminels.

faire partie des deux sciences que nous venons d’énumérer et auxquelles nous avons consacré nos derniers travaux, nous n’apporterons aucune idée préconçue, aucun lien d’école. Nous tâcherons de nous rappeler que, s’il est toujours indispensable d’avoir une méthode, il est souvent funeste de posséder une doctrine. Tout en étudiant l’homme physique, nous étudierons aussi l’homme moral, si dédaigné des anthropologistes aujourd’hui. Si nous n’avions en main que les méthodes surannées de la vieille psychologie, c’est avec raison que cette étude pourrait être considérée comme indigne de notre attention. Les méthodes dues aux travaux des physiologistes et que l’enseignement classique persiste seul à ignorer permettent d’aborder l’étude de l’homme avec la précision que les savants modernes apportent dans l’étude d’un phénomène physique quelconque.

Nous n’aborderons aujourd’hui qu’une seule question celle des criminels.


I


Les dernières exécutions capitales et le retentissant procès de Bordeaux ont appelé de nouveau l’attention sur une question fort grave par les conséquences sociales qu’elle entraîne : l’état mental des criminels.

Deux opinions entièrement contradictoires règnent aujourd’hui à cet égard. Pour la plupart des médecins, les criminels ne seraient que des aliénés irresponsables qu’il faut se borner à enfermer et à tâcher d’amender ; pour la totalité des magistrats, ce sont des êtres pervers que leur volonté seule a engagés dans la voie du crime et qu’il faut punir. Ballottés entre ces opinions contraires, les jurys acquittent ou condamnent suivant l’impression qu’a réussi à produire sur eux l’habileté oratoire de l’accusation ou de la défense. · Dans ce grave problème, la psychologie est restée à peu près neutre ou s’est bornée à des considérations générales sur le déterminisme des actions. Rarement doublé d’un médecin, le psychologiste n’aime pas trop à s’aventurer sur ce terrain spécial et n’y voit guère que des questions techniques à débattre entre le ministère public et les experts.

En fait, cette question comporte tant d’aspects divers qu’il est impossible de la traiter avec les lumières d’une seule science. Pour la comprendre nettement, il faut l’examiner successivement au point de vue médical, au point de vue psychologique, au point de vue