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que les examens antérieurs des cerveaux de suppliciés avaient montré fréquence très grande de caractères anormaux ou pathologiques. Or le cerveau ne pouvant présenter, au point de vue anatomique, des caractères anormaux ou pathologiques sans que les fonctions subissent des troubles correspondants, nous pouvons conclure déjà que l’anatomie pathologique justifie nettement, au moins pour tous les cas où de telles lésions sont observées, ce que tant de médecins soutiennent depuis longtemps que les criminels sont plus ou moins anormaux ou pathologiques, c’est-à-dire plus ou moins aliénés.

Irréprochable au point de vue physiologique, cette conclusion pourrait être contestée par les personnes qui ignorent que les lésions du cerveau s’accompagnent toujours de troubles dans ses fonctions. Laissons donc de côté les lésions anatomiques, et voyons maintenant ce que l’observation psychologique révèle de la constitution mentale des criminels.


II


Pour bien connaître l’état mental des criminels, nous nous adresserons aux personnes habituées à les voir fréquemment et possédant une dose suffisante d’esprit d’observation. Les médecins légistes étant seuls dans ce cas, c’est à eux que nous demanderons des renseignements. L’opinion qu’ils professent varie du reste assez peu. Elle est assez bien résumée par le passage suivant, que j’emprunte à un des plus autorisés d’entre eux, le docteur Maudsléy, professeur de médecine légale en Angleterre :


« Le scélérat, dit-il, n’est pas scélérat par un choix délibéré des avantages de la scélératesse qui ne sont que duperie ou pour les jouissances de la scélératesse qui ne sont qu’embûches, mais par une inclination de sa nature faisant que le mal lui est un bien et le bien un mal. Le fait qu’il cède à l’attrait du plaisir actuel en dépit des chances ou de la certitude d’un châtiment ou d’une souffrance future est souvent la preuve non seulement d’une affinité naturelle pour le mal, mais d’un défaut d’intelligence et d’une faiblesse de la volonté. Les directeurs de prisons les plus réservés et les plus expérimentés sont amenés tôt ou tard à se convaincre qu’il n’y a aucun espoir de réformer les criminels d’habitude. Les tristes réalités que j’ai observées, dit M. Chesterton, me contraignent à dire que les neuf dixièmes au moins des malfaiteurs d’habitude n’ont ni le désir ni l’intention de renoncer à leur genre de vie ; ils aiment les vices auxquels ils se sont adonnés… « Ô